Victoria Mann: « Akaa est une foire de découvertes »

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AKAA – Also known as Africa est la seule foire française dédiée à l’art contemporain et au design africains. Sa fondatrice, Victoria Mann, évoque les nouveaux défis qui s’imposent à la veille de la 4e édition au Carreau du Temple.

AKAA est maintenant un événement ancré dans le calendrier parisien. Tout en restant dans le même lieu, avez-vous de nouveaux objectifs de croissance ? 

C’est toujours un défi d’être une jeune foire dans un environnement saturé. Quand nous avons commencé en 2017, année où plusieurs expositions mettaient en valeur l’art contemporain africain, tout le monde redoutait un effet de mode. Que les fondations et les foires proposent un focus c’est bien, mais nous n’étions pas sûr que le marché suivrait sur le long terme. Aujourd’hui, nous constatons que l’intérêt ne se dément pas, que les expos tournent et que même le contexte a changé, avec des mouvements plus visibles pour décoloniser les arts, la prochaine saison Africa 2020… Pour nous, l’enjeu est de rester à la hauteur de ce qu’on fait et de garder notre exigence, nous avons d’ailleurs renouvelé notre comité de sélection. Les institutions viennent et sont un gage de qualité, nous travaillons dans le bon sens et poursuivons notre collaboration avec Sotheby’s. Mais il faut aussi entretenir cette dimension défricheur qui fait notre particularité aussi bien sur les focus que dans les galeries que nous accueillons. Notre plan de communication évolue puisque nous sommes en effet parvenus à imposer une identité dans le paysage culturel parisien. Mais le vrai défi dans le temps est celui du modèle économique, il nous faut rester viable.

Marion Boehm, Photo Safari, 2019, collage Courtesy de l'artiste et Artco Gallery

Cette année, aux côtés des 45 galeries, vous accueillez d’autres exposants comme des libraires, éditeurs et autres artisans. Est-ce que s’ouvrir à d’autres domaines fait une différence dans le milieu des foires ?

Depuis le début il était important pour nous, au-delà de l’art contemporain, d’être identifié comme un événement culturel avec une place importante laissée à l’art de vivre. Cette année nous accueillons encore plus de design que d’habitude ! C’est un domaine qui n’est pas du tout structuré de la même manière que le marché de l’art et où tout ne passe pas par des galeries. De nombreux créateurs travaillent à leur propre compte et il n’est pas toujours simple de les exposer dans le contexte d’une foire. Nous accueillons 5 stands où l’on pourra trouver du design mobilier mais également de la céramique. Les espaces undergrounds et lounge nous permettent également de présenter du design graphique, de la mode.  AKAA est une foire de découvertes et l’une de nos forces est de garder une dimension humaine. Si nous voulons déconstruire les clichés, il faut aussi s’attaquer à cette frontière design/artisanat. De nombreux artistes naviguent d’ailleurs sur ces deux plans.

Zanele Muholi, MuMu-XII, Londres, 2019 Courtesy de l'artiste et Galerie Carole Kvasneski

Programmé en même temps que Paris Photo depuis le début, AKAA met l’accent sur sur la photographie dans sa communication et ses affiches. Est-ce toujours une dominante de la foire ?

Cette année nous proposons un programme cinéma gratuit avec des avant-premières mais nous avons toujours une forte présence de la photo, comme le montre l’affiche avec cette année une image de Mous Lamrabat. D’abord parce que c’est un médium répandu sur le continent africain, mais aussi parce qu’à ce moment du calendrier parisien cela peut être pertinent dans une logique de galeristes. En proposant un focus à Zanele Muholi, nous voulions montrer ses photographies mais nous sommes restés ouverts lorsqu’elle a transformé la proposition de solo show en présentation collective et nous sommes heureux d’accueillir le projet Ikhono Lasenatali (Labour of love en anglais), qui réunit des jeunes artistes de Durban qu’elle mentore. Cette dimension nous a paru en phase avec ce que AKAA cherche à faire avec des artistes confirmés et plus émergents. Avec ce focus qui croise les photos de Zanele Muholi avec des gravures, des dessins au charbon et des installations de perles, nous restons fidèles à cette diversité que nous voulons incarner.

Propos recueillis par Henri Guette

Joseph Obanubi, Waterside Stories I, 2018 Courtesy de l'artiste et Galerie Magnin A
Soukaïna Aziz El Idrissi, curiosity VI, 2014, Polymères tissés à la main Photo ©Hassan Ouazzani Courtesy de l'artiste et Voice Gallery