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L’ancienne agence de Bank Al Maghrib accueille sur la mythique place Jamaâ el-Fna 40 pièces emblématiques qui réécrivent l’histoire de l’art moderne post-Indépendance.

Le sismographe n’en finit plus d’osciller place Jamaâ el-Fna. Responsable de cette agitation, d’abord un anniversaire : le cinquantenaire de l’exposition de 1969 qui réunissait, sur la place marrakchie classée patrimoine immatériel de l’Unesco, une faction de jeunes artistes engagés, tous rentrés de leurs pérégrinations américaines ou européennes. Ils s’appelaient Melehi, Chebaa, Belkahia… et articulaient déjà, il y a 50 ans, les notions d’espace public, d’audience et d’art contemporain. Ils cherchaient leur public et voulaient faire savoir au monde que les artistes marocains menaient une réflexion endogène d’avant-garde sur la figuration, l’abstraction et le statut de la tradition.

Mohamed Melehi, New York, 1963, acrylique sur toile, 92x65 cm, courtesy CMOOA

L’autre responsable de cette agitation est Hicham Daoudi, qui a déménagé son activité galerie à Marrakech, au Comptoir des Mines (lire aussi p.34), et investit à nouveau l’ancienne agence de Bank Al Maghrib. Le 28 décembre dernier déjà, il organisait une vente aux enchères dans ce lieu idéalement placé : 28 oeuvres d’art soumises à un marché avide de chefs-d’oeuvre modernes racontaient à leur manière cet épisode historique. Hicham Daoudi réitère l’expérience avec un événement hors marché conçu comme une collection fictive d’art moderne marocain. « Je constate que le public de la 1-54 en visite à Marrakech n’a pas accès au récit de ce qui nous a menés à la situation plastique contemporaine. Il n’a pas accès à l’histoire. Je veux accueillir les gens en personne dans ce lieu et leur expliquer comment les choses en sont arrivées là », explique-t-il. Quarante oeuvres, essentiellement des prêts de collectionneurs privés, montreront ce qui s’est joué à la fin du Protectorat : la parenthèse abstraite et l’invention d’un art marocain pleinement inscrit dans les avant-gardes de l’époque et néanmoins relié au récit populaire.

« Je vais essayer de donner à voir un fragment ce qu’était l’exposition de 1969, avec des oeuvres de Belkahia, Melehi, Hafid, Hamidi et Chebâa », se réjouit Daoudi. Le parcours met également face à face les géants Gharbaoui et Cherkaoui à travers une dizaine de leurs oeuvres. Chaïbia sera bien sûr représentée, ou encore Boujemaa Lakhdar, qui avait participé en son temps à l’exposition « Les Magiciens de la Terre » en 1988 au Centre Pompidou. Cet événement essaiera aussi de combler les lacunes du récit en montrant la parenthèse encore mal documentée des années 1980, avec des pièces de Fouad Bellamine, Farid Belkahia, Abdelkrim Ouazzani et Mohammed Kacimi.

Si l’entreprise est ambitieuse, les attentes ne le sont pas moins. L’enjeu étant de retrouver les liens profonds entre la scène contemporaine que nous décrivons dans nos pages depuis dix ans – qui, à bien des égards, colle aux avant-gardes internationales – et celle qui, il y a 50 ans, ouvrait la voie à un art contemporain décomplexé.

«Musée éphémère : autour des pionniers de l’art marocain», Bank Al Maghrib, place Jamaâ el-Fna, Marrakech, du 20 février au 10 mars 2019.

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