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À Arles, une photographie audacieuse qui sonde notre époque

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Féminisme, écologie, économie de l’image… La 53ème édition des Rencontres d’Arles explore des sujets terriblement ancrés dans notre réalité contemporaine et fait la part belle aux nouvelles générations de photographes. Ambitieux. 

2022 est décidément un bon cru ! Placées sous le signe du renouvellement des générations avec notamment la première édition du programme de mentorat artistique initié par le groupe Pernod Ricard ou la 5ème édition du prix Dior pour jeunes talents, les Rencontres d’Arles sont en phase directe avec leur époque. De nombreuses artistes femmes sont mises à l’honneur : Lee Miller, Babette Mangolte ou Bettina Grossman. L’exposition décapante « Une avant-garde féministe », qui puise dans le fonds des performances et des photographies de la collection Verbund datant des années 1970, vient réveiller les consciences et frappe encore par son esprit subversif.

Francesca Woodman. Visage, Providence, Rhode Island, 1975-1976. Avec l’aimable autorisation de The Woodman Family Foundation / Artists Rights Society (ARS) / Bildrecht / COLLECTION VERBUND, Vienne.

L’environnement, une préoccupation centrale

Cette année, les thématiques environnementales se taillent aussi la part du lion, à l’image du travail de Noémie Goudal pointant les contradictions entre les temporalités humaines et géologiques, ou  celui du photographe marocain Seif Kousmate, nommé pour le prix Louis Roederer. Dans sa série Waha consacrée à la disparition programmée des oasis, Kousmate introduit une dimension expérimentale dans sa pratique jusqu’alors essentiellement documentaire. Des débris de palmiers dattiers sont incorporés à l’image, quand celle-ci n’est pas brûlée à l’aide d’un chalumeau.

Car la préoccupation climatique s’accompagne d’une réflexion sur la pratique photographique et le risque toujours prégnant de saturation des images. L’exposition « Chants du ciel, La photographie, Le nuage et Le cloud » invite de même à s’interroger sur les conditions de production des images numériques réduisant paradoxalement le champ d’observation du visible.

Seif Kousmate. Hassan et Abderrahman [Hassan (à gauche) et Abderrahman sont deux frères de l’oasis de Tighmert. Après la mort de leur père en 2013, Hassan a quitté l’école et s’est retrouvé responsable de sa famille. Abderrahman, le plus jeune, rêve de quitter l’oasis et de rejoindre ses deux frères plus âgés à l’étranger. Il imagine son futur ailleurs et estime que la terre de l’oasis ne mérite pas tous les efforts qu’on lui consacre], Tighmert, Maroc, septembre 2020, série Waha (Oasis). Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Paint it black

Savons-nous vraiment ce que nous regardons ? Telle est également la question qui taraude l’artiste Arthur Jafa, à la Fondation Luma. Dans son exposition coup de poing – et controversée – « Live Evil », l’Américain – Lion d’or à la Biennale de Venise en 2019 –  défend une thèse radicale relative à la prédominance d’une idéologie et d’une culture suprématistes blanches innervant nos représentations, notamment à travers le cinéma et la culture de l’entertainment.

Noire est la rage qui brise le cœur des descendants d’esclaves, non une couleur. Noir est le fardeau de la ségrégation, non une couleur. Noir est le chant du gospel, noires les lamentations de Miles Davis, noire est la mélancolie et la révolte des Sex Pistols ou des Stooges. Le plasticien, qui puise dans cette contre-culture son répertoire, retourne la violence en montages hypnotiques, en installations minimalistes noires, en peintures lumineuses et fait littéralement vibrer, de joie et de colère. L’ultra-violence a dans l’histoire des formes une couleur, et c’est le blanc suprématiste, assène Jafa. Décapant, on vous dit !

Olivier Rachet

Rencontres photographiques d’Arles, jusqu’au 25 septembre 2022, divers lieux dans la ville.

Visuel en Une : Seif Kousmate. Paysage de l’oasis d’Akka, Akka, Maroc, février 2021, série Waha (Oasis). Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Live Evil, Arthur Jafa – La Mécanique Générale, Parc des Ateliers, LUMA, Arles, France. © Andrea Rossetti
Noémie Goudal. Phoenix VI, 2021. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Les filles du calvaire.
Ana Mendieta. Sans titre (Verre sur empreintes corporelles), 1972. Avec l’aimable autorisation de The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC / Galerie Lelong / COLLECTION VERBUND, Vienne.
Maya Inès Touam. Masque et agathe, série Replica, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Lee Miller. Chapeaux Pidoux (avec marque de recadrage originale de Vogue Studio), Londres, Angleterre, 1939. © Lee Miller Archives, Angleterre, 2022 [www.leemiller.co.uk].
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