Le Sofitel Tour Blanche accueille 22 portraits de personnalités intellectuelles et culturelles casablancaises réalisés par le photographe français Cédric Matet. Il explique à Diptyk comment il a aimé réinventer le principe de l’icône.
Quel est le principe de cette exposition ?
Quand l’Institut français m’a proposé de travailler sur des portraits de Casablancais, j’ai trouvé que, pour cette ville dont je venais de tomber amoureux, l’idée de simples portraits était un peu limitante, incomplète. J’ai voulu comprendre et la ville et les gens dans une démarche synthétique; proposer des portraits qui, d’une certaine manière, révèlent la ville. De là s’est imposée l’idée des allégories.
Qu’entendez-vous par allégories ?
Les trente personnalités que j’ai invitées dans ce projet, j’ai voulu les imaginer comme des icônes byzantines, leur faire endosser une forme de symbolique de la ville dans tous ses aspects. Je les ai d’abord rencontrées une à une, dans le cadre d’un entretien très intime, pour les scruter, les comprendre, les aimer pourquoi pas. Pour déterminer leur carte mentale et leur carte de la ville. Partir de leur extrême humanité qui me touche et les fixer, de manière intemporelle, par le procédé de l’icône.
Comment avez-vous procédé pour ces prises de vue ?
Après l’entretien, chacun d’entre eux m’a donné un rendez-vous dans un lieu de son choix en altitude. À chaque fois, nous sommes montés sur un toit, et c’est là que s’opère la synthèse entre le personnage et la ville : la cristallisation que je recherche dans ce projet. Des prises de vue, très nombreuses, sur ce toit, où je compose avec les attitudes, le langage du corps, la corporéité… Mon travail procède par couches successives, comme un glacis. A partir des nombreuses photos prises, je recompose des nuances, je fais monter les lumières, je déforme leurs corps : les mains sont plus grosses, les visages sont un peu figés. Le traitement est mixte, numérique et plastique, peu importe l’outil pour moi, le principal est la pièce, l’impression finale qui parle à ma place.
Et pour les paysages, qui forment l’autre composante de ces curieuses images ?
J’ai traité les paysages comme les personnages, par couches. Casablanca est mon personnage principal. J’ai récupéré des ciels et des nuances de couleurs sur place, toujours dans le temps de la prise de vue, comme des données, météorologiques, topographiques, ainsi que des éléments qui semblaient chers aux protagonistes, chargés de patrimoine, de symboles, comme des fers forgés qui ont marqué l’enfance de tel ou tel sur la terrasse de sa maison… Des éléments qui ont rendu ma narration, plus intime, plus humaine, mais aussi plus sybilline.
La suite de cet entretien est disponible sur Diptyk magazine #31 en kiosque et en ligne sur ce lien https://www.relay.com/diptyk/numero-courant-1254.html
Cédric Matet, « Beidaoui(es)// Chroniques photographiques de la ville monstre », 22 portraits, Sofitel Tour Blanche, Casablanca, jusqu’au 20 décembre.
Propos recueillis par Rym Abouker