A Casablanca, Fouad Bellamine ravive le passé

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Dans sa nouvelle exposition « Fragments de vie », le peintre Fouad Bellamine redonne vie à une toile anciennement détruite et revisite par la même occasion 40 ans de carrière.

« Un fait divers ». Tels sont les mots de Fouad Bellamine lorsqu’il définit l’acte de destruction accompli « dans un moment de rage personnelle » sur un tableau qui se retrouve au centre de sa nouvelle exposition à L’Atelier 21. Le drame dont il est question s’est produit en 1994, consécutivement à une rupture amoureuse, à Harhoura où séjournait le peintre qui se consacrait alors pleinement au motif de paysages maritimes non figuratifs. Vingt-cinq ans après, l’artiste recrée à partir de fragments conservés depuis comme des reliques une œuvre inédite constituée de 19 pièces qui sont autant d’œuvres en soi. « C’est un cadavre, un cercueil auquel je redonne vie, confie-t-il à Latifa Serghini dans le catalogue, à une période de maturité de mon travail où j’interpelle les moments de mon parcours pictural qu’ils soient minimalistes ou expressionnistes. » Cette nouvelle œuvre intitulée Fragments d’une déchirure est aussi l’occasion de revisiter l’itinéraire d’un peintre qui depuis 40 ans n’a jamais cessé de créer dans une constante dialectique entre le visible et l’invisible, le voilement et le dévoilement.

Fouad Bellamine, Fragments d'une déchirure, 1994-2017, technique mixte sur toile, ensemble de 19 pièces, dimensions variables

La peinture de Bellamine relève bien de cette « figuration abstraite » qu’il a souvent revendiquée et qui aurait pour finalité la disparition même de l’image au profit d’une inscription sur la toile des différentes interventions du peintre. Le Temps se mesure alors par la répétition du geste, l’accumulation de couches successives de peinture et la prédilection pour des gris et des blancs qui sont autant de tentatives de composer avec le vide, et peut-être même la disparition. En attendant la rétrospective que lui consacrera au printemps le Musée Mohammed VI, on aura plaisir à retrouver les nombreux motifs qui jalonnent son parcours, des arches aux niches en passant par les parallélépipèdes. Qui a dit un jour que l’art survivrait à ses ruines ?

Olivier Rachet

Fouad Bellamine, « Fragments de vie », L’Atelier 21, Casablanca, jusqu’au 13 janvier 2020.

Fouad Bellamine, Sans titre technique mixte sur toile, 165x150cm, 2019
Fouad Bellamine, Sans titre, technique mixte sur toile, 165x150cm, 2019