À Tanger, la photo colorisée se joue du temps

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Des tirages du Maroc des années 1950-60 aux images retravaillées par des artistes contemporains, l’exposition « Les Couleurs du temps » présente un ensemble de photographies colorisées qui remet au goût du jour ce procédé perçu, à tort, comme désuet. 

Kitsch, la photo colorisée ? Non, délicate, prouve l’exposition « Les Couleurs du temps » qui explore ce medium habituellement rare sur les cimaises des galeries. Le point de départ est un fonds photographique cédé par le collectionneur Philippe Lorin à la Fondation pour la photographie de Tanger, composé de scènes de rue et de portraits marocains des années 1950-60.

Notre consoeur Marie Moignard, commissaire de l’exposition, le fait dialoguer avec des photos colorisées d’autres époques et d’autres pays, partant des tirages japonais peints avec une extrême finesse au début de l’ère Mejji pour remonter jusqu’aux images contemporaines de Jan Saudek (le premier à avoir réactivé la colorisation de la photographie dans les années 1970), Youssef Nabil, Irène Jonas, Rima Samman, Flore, Amina Benbouchta, Hélène Bellenger, Aassmaa Akhannouch…

Éternelles rivales, la photographie et la peinture se font ici complices pour mieux créer la confusion. La couleur, en se superposant au noir et blanc, crée une sorte d’anachronisme qui « interroge notre rapport au temps », selon Marie Moignard. La mémoire se recouvre, dans les deux sens du terme. Jusqu’à faire perdre à la photographie la similitude des tirages en série qui la caractérise : « La colorisation redonne une unicité à la photographie », souligne la commissaire. La confusion des genres n’a jamais été aussi réjouissante.

Laetitia Dechanet

« Les Couleurs du Temps – Photographies colorisées 1860-2022 », Fondation pour la photographie, Tanger, jusqu’au 30 novembre 2022.
Photo colorisée réalisée dans un studio tangérois au milieu du XXe siècle. Courtesy de la Fondation pour la photographie Tanger.
Photo colorisée réalisée dans un studio tangérois au milieu du XXe siècle. Courtesy de la Fondation pour la photographie Tanger.
Photo colorisée réalisée dans un studio tangérois au milieu du XXe siècle. Courtesy de la Fondation pour la photographie Tanger.
Irène Jonas, Un été sans fin XIX, 2021, tirage argentique en noir et blanc sur papier baryté rehaussé à la peinture à l’huile, 45 x 60 cm. © Irène Jonas