[Actu] En Tunisie, l’artiste Rachid Koraïchi crée un cimetière-jardin pour les damnés de la terre

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Inauguré le 9 juin dernier, dans la ville tunisienne de Zarzis, par la directrice de l’UNESCO Audrey Azoulay, le Jardin d’Afrique, cimetière entièrement conçu par l’artiste Rachid Koraïchi, offre une sépulture aux dépouilles des migrants disparus en mer.

Lorsqu’il découvre en 2018, dans la ville côtière de Zarzis en Tunisie, l’existence d’une décharge publique dans laquelle sont jetés les corps des migrants, en provenance le plus souvent de Libye, le sang de l’artiste Rachid Koraïchi ne fait qu’un tour. « J’étais horrifié que ce lieu ait pu exister depuis 2003 ! » En compagnie de sa fille et soutenu par le président tunisien du Croissant Rouge, Monji Slim, il acquiert un terrain privé pour offrir « à ces damnés de la terre et de la mer qui les a rejetés » une sépulture digne de ce nom.

C’est alors que le projet du Jardin d’Afrique, appelé aussi par son concepteur Jardin du Paradis, voit le jour : « J’ai tout dessiné de bout en bout », explique-t-il en décrivant un immense espace entièrement végétalisé construit par l’architecte Yassine Radhaouni. À l’image du Paradis persan, qui désigne à l’origine un enclos végétal, le cimetière imaginé par Rachid Koraïchi regorge d’arbres plus symboliques les uns que les autres : oliviers, bougainvilliers « rouge vif, précise-t-il, en rappelant que beaucoup de ces cadavres sont de confession chrétienne, « comme le sang du Christ ou celui qui coule dans nos veines », jasmins, orangers, grenadiers. «Une forêt d’arbres de toutes les couleurs couvrant l’odeur pestilentielle des cadavres. »

Avec l’aide des artisans du coin et des autorités locales, un centre de prélèvement ADN a pu aussi voir le jour qui permettra, peut-être à termes, aux familles d’identifier leurs défunts. Une œuvre politique et poétique forte, à l’heure où beaucoup, notamment en Europe, continuent de détourner leur regard devant une catastrophe humanitaire qu’ils ont eux-mêmes déclenchée.

Olivier Rachet