Bénin : pourquoi la restitution des œuvres d’art pillées est si importante

crédit photo : © Radio France / Isabel Pasquier

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Vingt-six objets d’art ayant appartenu au puissant Royaume d’Abomey étaient restitués, en novembre dernier, par le France au Bénin. Aujourd’hui, ils sont présentés au public au sein du Palais présidentiel à Cotonou. Nous y étions et avons interrogé deux historiens de l’art  sur l’importance de ce retour. Le Béninois Didier Marcel Houenoude souligne ainsi la portée symbolique de cette restitution tandis que Yacouba Konaté, venu spécialement d’Abidjan pour l’occasion, voit en cet évènement un modèle de leadership pour l’ensemble de l’Afrique. Regards Croisés.

Que représente aujourd’hui cette restitution pour le Bénin ? 

DMH : La dimension symbolique est extrêmement forte. La restitution va permettre de reconstruire notre histoire à partir de ce qui nous appartenait. Cela donne un peu plus de dignité aux Béninois qui peuvent désormais faire honneur aux ancêtres qui avaient été dépossédés de ces objets. Il y a aussi un enjeu didactique important : auparavant, les étudiants apprenaient l’histoire du Royaume d’Abomey sans voir les objets matériels. Ces objets-témoins sont la preuve tangible de l’existence d’un royaume puissant et prospère qui a rayonné sur le plan international. Sans ces objets de très belle facture, mes étudiants avaient parfois du mal à me croire et avaient tendance à considérer que certaines civilisations africaines étaient inférieures aux autres. Cela permettra aussi de mieux connaître les productions artistiques de cette époque et, aux artistes contemporains, de se reconnecter avec l’art et le savoir-faire de ces temps-là.

Y-a-t-il une forme de réparation ? 

DMH : Il y a une forme de reconnaissance du tort qui a été fait aux Béninois. Quand il y a reconnaissance d’un tort, il y a peut-être en quelque sorte réparation, du moins réparation symbolique. Cela permet de pouvoir avancer. Avec le retour de ces trésors nationaux dans le pays qui les a vu naître, on peut montrer à nos jeunes qu’ils peuvent être fiers de leur histoire.

crédit photo : © Radio France / Isabel Pasquier

Vous êtes Ivoirien et vous étiez présent à l’inauguration de l’exposition « Art du Bénin et d’aujourd’hui, de la restitution à la révélation » qui donne à voir au public les 26 objets d’art restitués. En quoi cette restitution dépasse le seul cadre du Bénin ? 

YK : Le Bénin est pour moi un cas d’école. Il est en position de leadership sur les questions de restitution parce qu’il a une volonté politique clairement affichée. Le Bénin a également un savoir-faire et une expertise en la matière qui ne datent pas d’aujourd’hui. Il faut rendre hommage au travail de fond mené par Alain Godonou qui a dirigé l’École du patrimoine africain de Porto Novo où il a formé  les professionnels des musées et fait du lobbying en faveur des restitutions. On se dit que si ça marche bien au Bénin, cela donnera davantage de chances aux autres pays africains qui sont encore en attente du retour de leurs biens culturels. De plus, les objets montrés à Cotonou sont des objets d’une beauté esthétique indéniable. Ce ne sont pas seulement des objets qui appartenaient au Roi d’Abomey mais ce sont aussi des objets qui relevaient d’une politique culturelle royale. Le roi était un mécène qui mettait les meilleurs artisans à contribution, au service  du rayonnement de son royaume. J’y vois un clin d’œil qui est fait à nos États et leurs dirigeants pour qu’ils entrent dans cette dynamique.

Qu’en est-il en Côte d’Ivoire ? 

YK : La volonté politique en matière de restitutions est manifeste. Pour le moment, le retour d’un objet, le Tambour Atchan, a été acté. Nous n’en connaissons pas encore la date de retour mais le processus est en cours. Il devrait être exposé au Musée des Civilisations d’Abidjan. Je sais qu’il y a eu des rencontres avec les populations concernées qui étaient dépositaires de cet objet. Il y a actuellement de nombreux débats.

Propos recueillis par Emmanuelle Outtier

Retrouvez notre reportage dans le prochain numéro de Diptyk à paraître en mars