Industries créatives au Maroc : “La culture ne doit pas être une variable d’ajustement”

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Professionnalisation, internationalisation ou mesures fiscales en faveur du développement du secteur culturel, la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC) de la CGEM publie ses recommandations après avoir organisé, en partenariat avec le Ministère de la Culture en octobre 2019, les premières Assises consacrées à cette industrie.

“La culture ne doit pas être une variable d’ajustement”. Lors de la présentation de l’étude Quelles transformations pour les industries culturelles et créatives au Maroc ?, la Présidente de la Fédération des Industries Créatives et Culturelles (FICC) de la CGEM, Neila Tazi,  insiste : l’économie culturelle “est créatrice de richesse, d’emplois pour les jeunes, et apporteuse de progrès” rappelant que “les industries culturelles occupent au niveau mondial la cinquième place dans la liste des secteurs les plus porteurs économiquement”. 

Cette étude menée auprès des acteurs du secteur (édition – arts vivants – audiovisuel – musique) dresse quelques constats, à commencer par la précarisation des professionnels de la culture pendant la crise du COVID-19. La FICC estime l’impact économique de la pandémie sur le secteur à 2 milliards de dirhams au premier semestre 2020. “Environ 1 100 entreprises ont accusé 70% de baisse de leur chiffre d’affaires en moyenne”. Mais les difficultés sont aussi structurelles, rappelle l’étude qui estime que “les entreprises et les associations culturelles n’ont pas de reconnaissance officielle par les textes de loi” , préconisant par exemple la création d’un statut légal spécifique d’Entreprise Culturelle et la mise en place d’un système de labellisation des structures culturelles reconnues.

Jeune femme passant devant une oeuvre de Maya Ayuk réalisée pendant le festival des arts de rue Jidar.

Le public : véritable talon d’Achille

Comment développer les Industries Culturelles et Créatives (ICC)? “La principale faiblesse concerne la faiblesse des publics (spectateurs, lecteurs …), l’inexistence de moyens pour développer la médiation et la diffusion des biens culturels et surtout l’éducation à la culture”, remarque la FICC qui en appelle à élargir la demande en subventionnant, par exemple, les initiatives qui permettent à la culture de devenir un fait social” ou en développant les projets de proximité dans les régions.

Plusieurs pistes sont envisagées dans cette étude dense tant en termes de politiques culturelles qu’en termes de fiscalité. Mais la priorité reste la formation pour les professionnels du secteur qui notent “un manque cruel de managers culturels ou de techniciens spécialisés notamment dans les arts de la scène”. Ils soulignent également des carences “en termes de post-production dans l’audiovisuel, d’editing ou de rewriting dans le domaine du livre”. À l’université, très peu de centres de recherches spécialisés sont recensés tout comme l’offre de formation dans les métiers de la culture, au sein de l’enseignement privé, reste négligeable. La FICC invite à établir une cartographie des métiers du secteur ICC pour orienter les besoins en formation et la création de programmes d’insertion professionnelle au sein des établissements culturels publics et privés. Côté fiscalité, l’étude recommande de simplifier le régime fiscal des artistes et déplore l’absence de loi sur le mécénat culturel ou de loi encourageant les donations pour les arts et la culture.

Les opportunités du numérique  

Autre cheval de bataille : le numérique devenu “plus qu’une alternative” pour  la nouvelle génération de créateurs pour qui les réseaux sociaux font office de vitrine. De même, 74% des ménages marocains ont accès à internet, selon une étude de l’ANRT menée en 2018. “La convergence entre Économies Créatives et Économies Numériques est incontestablement une opportunité à saisir”, note la FICC à condition que les créatifs marocains soient mieux répertoriés sur les moteurs de recherches et les “digital skills” (Développeurs, UX Designers, Community Managers,…) développés au sein des structures culturelles. Le développement du crowdfunding encadré par la récente loi n°15-18 devrait offrir de nouvelles sources de financements à même de favoriser les associations ou les petites entreprises, estime-t-elle.

Tant d’un point de vue politique, juridique ou fiscal, les défis restent donc nombreux pour le secteur culturel.

E.O.