À Rabat, l’exposition collective « Points de vue » témoigne du plaisir avec lequel les artistes élargissent le spectre du médium photographique, tout en subvertissant, l’air de rien, nos regards.
On pourrait se contenter de se réjouir de la diversité des regards qu’offre l’exposition collective photo « Points de vue » présentée à la galerie Abla Ababou. Mais on raterait le coche de la jubilation avec laquelle une scène contemporaine se joue tout d’abord du médium photographique, en utilisant avec Zahra Sebti les possibilités offertes par le digital pour rendre compte d’une vision fragmentée de paysages désertiques ou en recourant avec Hakim Benchekroun à des tirages-palimpsestes sur de vieux papiers teintés afin d’interroger la nature même de l’archive photographique. Des illusions d’optique déjouant l’impératif référentiel de la photo que ces artistes ont allègrement dépassé. On passerait à côté aussi de la force tour à tour subversive et transgressive de la photographie, nous donnant à voir avec Christian Mamoun, qui marche ici dans les pas de Georges Bataille, la souveraineté du sexe à travers des scènes clandestines ou des portraits de Drag Queens ou avec Rafour Essafi – belle découverte de cette exposition – le devenir spectral de toute image d’archive sur laquelle l’artiste travaille par effacement et surimpression. Mention spéciale enfin pour Hind Moumou et Amine Houari du Collectif Noorseen explorant les architectures modernistes et les espaces urbains à travers un travail subtil sur la lumière qui intrigue autant qu’il enchante.
Olivier Rachet