L’exposition « L’Avenir est au passé » présente le travail de trois peintres : Amina Azreg, Rahma Lhoussig et Rebecca Brodskis, qui revisitent la façon dont le rêve fait irruption dans la monotonie de nos vies quotidiennes. Jusqu’au 30 juin.
De quoi nos rêves sont-ils faits ? À confronter les toiles et les dessins de Rahma Lhoussig et Amina Azreg présentés par la galerie African Arty à l’American Arts Center, on a l’impression de passer du vide au plein sans crier gare. De la solitude d’espaces décrépis et de cages d’escaliers désertées au bric-à-brac d’une chambre d’adolescente dont les objets éparpillés expriment la solitude des désirs. Aux jeux de clair-obscur et aux angles de vue baroques prisés par Amina Azreg répondent les couleurs acidulées et les vues plus frontales des tableaux faussement naïfs de Rahma Lhoussig. À l’absence de toute présence humaine rendant hommage à l’univers d’un Magritte ou d’un Hopper font écho des postures qui ne dépareraient pas dans un studio photo.
Reste que ces deux univers aux antipodes sont habités par un même onirisme, un même télescopage entre la monotonie du réel et l’irruption d’un imaginaire animalier qui vient le perturber. Cette intervention inquiétante d’oiseaux de bon ou mauvais augure (le motif du corbeau dans les compositions de Rahma Lhoussig) semble ici raconter la difficile entrée dans un monde adulte coupable d’avoir abandonné ses rêves d’enfant. Sans doute, les portraits de femmes amazighes de Rebecca Brodskis présentés pour la première fois au Maroc, hantés par une enfance passée à Rabat auprès de sa grand-mère Jacqueline Brodskis, disent-ils aussi cet attachement aux temps révolus, et à leur perpétuation par les moyens de la peinture ou du dessin. Au final, les rêves dont cette exposition porte témoignage – n’hésitant pas à lorgner parfois du côté du thriller –, sont faits de cette part d’enfance dont il serait bon de ne pas trop se détourner.
Olivier Rachet