Autodafé de pierre

Mohssin Harraki pierre dans la mare, 2010

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Si parfois dans l’Histoire, on a pu brûler des livres, c’est qu’on les avait d’abord lus. C’est par peur, par colère ou tout autre mysticisme que la vindicte populaire ou seulement une poignée d’illuminés avait décidé de les jeter au feu. La bibliothèque de Mohssin Harraki, personne ne la lira jamais. Elle est lourde et scellée comme une pierre tombale. Des livres illi- sibles dont les pages pétrifiées ne forment qu’un bloc monolithique. C’est la nourriture fossilisée que l’Etat sert comme programme d’éducation nationale. C’est

l’héritage immuable mais tronqué d’une histoire et d’un savoir falsifiés et confisqués. Harraki n’est jamais tendre avec l’objet livre, qui de merveilleux moyen d’évasion devient arme de propagande massive. Ici il fige les volumes dans un béton définitif. Pour la rési- dence Trankat, il en avait mesuré l’insubmersibilité en noyant des ouvrages de référence dans des aqua- riums. Ils s’étaient délités lentement avant de finir par couler, là encore, comme des pierres.