La Chapelle des Pénitents noirs, édifice du XVIe siècle est actuellement occupée par l’exposition « Mappings » de Mona Hatoum : une conjugaison habile et cohérente de petites pièces que l’artiste nomme « fabriquées » et d’installations de grande échelle. Tout en soulignant l’architecture du lieu qui sait rester discret, le vocabulaire formel et les matériaux clés du travail de Mona Hatoum s’y répondent dans une fluidité impeccable. La nature organique, à la fois fragile et indomptable des cheveux humains vient s’affirmer comme la négation d’un système contraignant symbolisé par la structure de la grille. Un globe terrestre au devenir cage répond aux grands ensembles d’une architecture moderniste en acier rongée par les stigmates d’une guerre sans nom dont les impacts s’inscrivent en ondes négatives et positives sur les cartes de Beyrouth, Bagdad et Kaboul. La destruction porte en son sein même la création. Ici la carte du monde est découpée et tissée en un cabas à provisions condamné par le poids qu’il est censé porter. Là, un doux planisphère en coton et abaca vient saper la vision « occidentalo-centrée » d’une vieille Europe vouée à la déliquescence. Un chapelet agrandi et posé au sol prend des allures de boulet de canon et de chaîne d’esclavage, tandis que la carte des territoires devant être rendus par Israël à l’autorité palestinienne se dessine en des milliers de petites perles rouges incrustées dans la chair de 2400 blocs de savons traditionnels à l’huile d’olive.
Au pluriel le titre « Mappings » instille d’entrée de jeu l’idée d’une multiplicité de lectures chère à l’artiste qui dit « ne pas chercher à délivrer un message spécifique, mais à interpeller d’abord de façon physique, afin de provoquer une réflexion sur le sens et la portée de cette expérience ». Représentation graphique décrivant l’organisation et les relations entre les différentes composantes et flux (énergétiques, financiers, informationnels ou humains) d’un processus, d’un système ou d’une structure, le « mapping » est un outil créé afin de nous aider à appréhender la complexité d’un monde dont le caractère instable, voire explosif, semble désormais incontestable. Cette tentative de dégagement de mouvements signifiants, en un mot : d’Histoire(s), s’affirme ici comme fil rouge d’une exposition parfaitement maîtrisée, dont la portée pédagogique n’enlève rien à la hauteur du débat, d’une actualité toujours aussi brûlante.
Bérénice Saliou
Dans le cadre de Ulysses, un itinéraire d'art contemporain. Organisé par le Frac – Provence Alpes Côte d'Azur. Commissariat Pascal Neveux assisté de Karina Bianchi. Du mardi 15 janvier au dimanche 17 mars 2013.