Taoufiq Izeddiou, chorégraphe engagé pour la danse contemporaine au Maroc

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Cet inépuisable optimiste est à la manœuvre du premier festival international de danse contemporaine au Maroc. L’événement accueille cette année la Biennale de la danse en Afrique, qui réunit une vingtaine de chorégraphes du Continent du 22 au 27 novembre, à Marrakech.

Boxe, théâtre, architecture… Il a longtemps tâtonné, Taoufiq Izeddiou, avant de s’imposer comme un pionnier de la danse contemporaine au Maroc. Rien ne prédestinait ce Marrakchi, issu d’un milieu modeste, à devenir un chorégraphe reconnu à l’international. C’est dans les années 1990, alors que l’Institut français de Marrakech organise des formations avec de grands noms de la scène française, qu’il rencontre cet art. Il a 20 ans. « C’est tard », remarque-t-il. Dès lors, Taoufiq Izeddiou presse le pas. « Le contemporain, c’est un océan ! Il n’y a pas une seule vérité, ni une seule forme. Tu forges ton propre langage, tu t’inventes danseur. » Cette liberté se retrouve aujourd’hui dans ses créations, où jeux de lumière, mime ou chant viennent appuyer son univers chorégraphique. À l’époque, pourtant, le jeune danseur se cherche. Sa rencontre avec le chorégraphe Bernado Montet, alors directeur du Centre chorégraphique national de Tours, marque un tournant : il l’invite à se professionnaliser au sein de son institution. « J’ai compris ce que c’était un lieu dédié à la danse : 34 fonctionnaires qui sont exclusivement au service de cet art, ça te donne des rêves ! »

En 2001, Taoufiq Izeddiou forme avec Bouchra Ouizguen et Said Aït El Moumen la compagnie Anania, première compagnie de danse contemporaine au Maroc. « Il n’y avait rien ! On avançait dans le noir, raconte-t-il. C’est quand notre première pièce a commencé à tourner en Afrique, notamment à Ouagadougou, où pour la première fois une compagnie marocaine ouvrait le festival ‘Dialogue de corps’, qu’on a commencé à croire à ce qu’on était en train de construire. » Tout s’enchaîne très vite : en 2005, il lance à Marrakech le festival international « On marche », qui est « aujourd’hui la zaouïa de la danse contemporaine au Maroc » , s’amuse le chorégraphe.

Pour sa 15e édition du 22 au 27 novembre, le festival devient l’hôte de la biennale – itinérante – de la danse en Afrique, faisant de Marrakech un hotspot de cet art vivant. Mais il reste du chemin à parcourir. « Il nous faut un centre chorégraphique, sinon on n’arrivera pas à avancer », interpelle Izeddiou qui, après avoir créé la formation en danse créative « Al Mokhtabar 1 », a lancé l’école NAFASS, hébergée pour le moment à l’ESAV. Un seul mantra chez lui : démocratiser la danse, qui « a beaucoup à apporter ». Il suffit de voir ses propres pièces, où il déconstruit les poncifs : dans Botero en Orient, il met en scène des danseurs aux formes imposantes pour interroger les canons de beauté et le culte de la minceur dans le milieu de la danse. « Quand on touche au corps, on touche à tout. Cela fait peur. La danse contemporaine interroge notre rapport au monde, à notre corps et à celui de l’autre. C’est essentiel dans nos sociétés. » En juin dernier, Izeddiou recevait l’insigne de chevalier des Arts et Lettres au consulat de France de Marrakech. Une reconnaissance de plus pour cet idéaliste qui ne cesse de rêver grand pour son art et son pays

Emmanuelle Outtier

Festival « On marche », du 22 au 27 novembre 2021, Marrakech
https://www.onmarche-marrakech.com/

Le programme :