Elladj Lincy Deloumeaux créolise la peinture

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Le souvenir du pays natal habite le travail du jeune peintre antillais, étudiant aux Beaux-Arts de Paris. Placée sous le signe de la créolisation et de l’ancestralité, sa peinture superpose les couleurs, les générations et les identités.

Les souvenirs de famille sont au centre du travail d’Elladj Lincy Deloumeaux, arrivé de Guadeloupe à Paris à l’âge de 8 ans. « Je m’intéresse beaucoup à l’ancestralité. Ce que je suis aujourd’hui, je le suis par rapport à des milliers d’individus qui m’ont précédé », explique-t-il en commentant le triptyque monumental auquel il se consacre actuellement. Représentant une scène de pique-nique où cohabitent plusieurs générations, l’artiste attire l’attention sur le motif de deux chaises qui se font face et « symbolisent tous ceux qui ont disparu ». Cet effacement est au cœur d’une technique picturale qui prend souvent appui sur la couleur noire, qu’Elladj Lincy Deloumeaux, passionné aussi de photographie, travaille « en négatif » : « J’essaye d’aller au-delà des archétypes qui composent mon identité, en essayant d’effacer la couleur noire par des passages de pastel ou de crayon. » Parfois, le noir est le point de départ d’une composition procédant par superpositions de couleurs où le bleu outremer se mêle à la terre d’ombre brûlée ; réminiscences sans doute du pays natal.

Il en résulte des portraits d’un grande force plastique où la couleur entre en symbiose avec le paysage. On sait depuis Soulages comment le noir capte mieux que toute autre couleur la lumière, on découvre avec Elladj Lincy Deloumeaux un processus de « créolisation » des plus captivants, où le rouge des hibiscus ou le vert d’une végétation luxuriante entrent en résonance vibratoire avec le corps ou le vêtement des personnages. Épris de spiritualité africaine et antillaise, ce jeune artiste qui a déjà exposé à la galerie Cécile Fakhoury d’Abidjan nous raconte aussi une histoire apaisée de cultures qui se nourrissent d’échanges et de mélanges. Une poétique de la relation, pour reprendre un titre de l’écrivain martiniquais Édouard Glissant.

Olivier Rachet