Khadija El Abyad déstigmatise le corps

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Lauréate du Prix Mustaqbal, la jeune artiste originaire d’Agadir explore les faces cachées du corps, entre identité personnelle et culture collective.

Chez Khadija El Abyad, les contraires s’épousent : le sordide est sublimé, l’étrange est familiarisé et l’intime est exhibé. Le corps s’expose non pas de manière brute, mais brutale. Cheveux et poils se voient tressés, tissés, utilisés comme fils à broderie, dessinés. La peau est représentée, filmée ou suggérée à travers divers attributs du corps féminin : collants, pochoirs de tatouage, henné. El Abyad désincarne le corps, le parcellise en unités symboliques pour mieux le lire et le comprendre. Chaque parcelle est le souvenir d’une action passée. « Mes œuvres visuelles sont des oeuvres-performances. Elles condensent le travail performatif en une seule image plastique », commente l’artiste.

Sans titre, série Cheveux hermaphrodites, 2021, encre de chine sur papier Arches, 76 x 57 cm. Courtesy de l’artiste et Fondation TGCC/Prix Mustaqbal

Khadija El Abyad cherche à montrer le corps féminin sous un nouveau jour, notamment en réactualisant les images de son érotisation, longtemps diluées dans le consensus social par le biais de rituels. Comme celui du tatouage au henné qui, dans les cultures amazighes, marque les rites de passage de la vie sexuelle d’une femme : la puberté et le mariage. L’artiste y adjoint une dimension environnementale et sociale en plantant des graines d’arbre de henné dans l’oasis de Tighmert, comme un moyen d’enracinement dans la terre de ses aïeux.

Après avoir vu l’une de ses œuvres rejoindre la collection du Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain, cette jeune artiste de 30 ans a reçu en juillet 2021 le Prix Mustaqbal organisé par la Fondation TGCC.

Salima El Aissaoui