Conversation avec notre consoeur Roxana Azimi, journaliste au Monde et cofondatrice du Quotidien de l’Art, qui publie en cette fin d’année Le Guide Hazan de l’art contemporain, un vade-mecum aux partis pris assumés pour orienter les collectionneurs de tous calibres.
Quelle est la vocation de ce guide, à qui s’adresse-t-il ?
Ce guide, qui est destiné aux amateurs d’art, novices ou chevronnés, est conçu comme une invitation à découvrir des artistes contemporains et un vade-mecum permettant de comprendre comment et où acheter. Il y a une dimension pratique et pédagogique assez importante pour démystifier l’acte d’achat. Beaucoup de gens pensent que collectionner est un privilège de riches, des happy few. Et ils s’interdisent de pousser la porte des galeries ou de se rendre dans les foires, dont les tarifs d’entrée sont, il est vrai, plutôt exorbitants. J’ai voulu couvrir tout le spectre, y compris les jeunes pousses, souvent abordables. Les acheter, c’est miser sur l’avenir, prendre le risque de se tromper. C’est l’aventure. Et puis il y a des noms établis, qui ont un marché solide, sont des valeurs sûres, sans être des têtes de gondoles dont la cote est artificiellement montée comme Koons ou Hirst. Enfin j’ai tenu à intégrer des artistes aujourd’hui disparus, mais qu’il faut absolument redécouvrir, comme Michel Journiac ou Daniel Pommereulle, dont la verve grinçante fait toujours mouche. Il y a des morts plus présents et pertinents que beaucoup de vivants…
Quelle a été ta méthode ?
J’ai fait un choix d’artistes très subjectif, partiel et partial. Mais avec un oeil ouvert, sans exclusive ni limites. Je n’ai pas fait du tout-conceptuel ou du tout-peinture. J’ai dû renoncer à certains plasticiens car leurs oeuvres sont plus proches de l’installation, donc plus difficile à collectionner par des amateurs qui n’ont pas de musées privés !
Quels ont été tes critères pour choisir les artistes africains,
et notamment marocains ?
Ce guide étant publié en France, j’ai choisi des artistes qui ont déjà une reconnaissance à l’étranger et qui sont représentés par des galeries parisiennes. Concernant le Maroc, j’ai choisi des créateurs comme Chourouk Hriech, Hicham Berrada ou Mounir Fatmi, dont j’apprécie depuis longtemps le travail et qui, à mon avis, sont encore sous-cotés. Ces artistes, on les cantonne souvent dans les expos à « l’art contemporain africain » ou à « l’art du monde arabe ». Comme si leur travail ne faisait sens que dans un seul contexte. C’est important de les mettre sur le même plan que les créateurs occidentaux présents dans mon livre. Jamais on ne voit Chéri Samba à côté de Bertrand Lavier chez un collectionneur ou dans une exposition. Les artistes africains restent toujours traités comme des curiosités exotiques. Dans ce guide j’ai voulu faire côtoyer des mondes qui ne se croisent pas. Les collectionneurs restent généralement dans leurs terminaux – peinture, art conceptuel… – et se risquent rarement hors de leur zone de confort. Là, j’ai tenu à bouger les lignes, y compris géographiques.
Propos recueillis par Meryem Sebti
Interview à retrouver intégralement dans le numéro 41 de DIptyk bientôt en kiosque