La galerie Yakin et Boaz accueille « Sisters », une exposition de la photographe franco-algérienne Nadia Benchallal. Des femmes du monde entier, saisies sur le vif et des tirages argentiques d’une rare qualité. L’engagement d’une vie.
Marie Moignard et Meryem Sebti
Nadia Benchallal a du temps. Elle n’est pas pressée. Là où d’autres conçoivent une exposition en quinze jours, cette photographe franco-algérienne formée à l’ICP de New York, a la vie devant soi. L’exposition « Sisters » qui clôture la saison à la jeune galerie Yakin et Boaz, est une aubaine pour le public casablancais, peu habitué à voir du travail argentique dans des tirages d’une aussi belle qualité. Pour la petite histoire, l’artiste était venue au Maroc en octobre 2012 sur l’invitation de la Fondation du World Press Photo. C’est là qu’elle a rencontré Ali Kettani, directeur de la galerie, qui s’est laissé séduire par son travail. Il montre aujourd’hui une quasi rétrospective de Nadia Benchallal, arrivée directement de la NYU (Université de New York) d’Abu Dhabi.
Benchallal commence à photographier début 92 en Algérie, après les troubles politiques de 1991, d’abord comme photographe de presse. « J’ai réalisé à ce moment là l’urgence de faire un travail sur les femmes, que je n’ai jamais abandonné depuis. C’est un life project », raconte l’artiste. Depuis lors, elle a parcouru le monde pour documenter la vie de ses consœurs de tous horizons : l’Iran, la Palestine, la France, mais aussi la Malaisie, la Birmanie ou la Bosnie… Dans tous ces pays, l’artiste se donne le temps de pénétrer l’intimité des femmes pour capter les instants du quotidien, de ce qu’elle appelle « la résistance silencieuse ». Formée à l’ancienne école de la photographie humaniste américaine et française, Benchallal s’inspire par exemple de Dorothea Lange dans ces clichés de réfugiées bosniaques, préservés à juste titre en petits tirages dans une alcôve de la galerie. Comme Capa, Cartier-Bresson ou Eugene Smith, elle saisit l’instant décisif « où cadrage, lumière, mouvement et émotion sont réunis ».
Une telle communion nécessite du temps. Au-delà de l’instant photographique, c’est aussi le moment d’humanité qu’elle laisse venir avec patience : « Dans le monde arabe, on n’entre pas dans la sphère intime d’une famille si on n’a pas pris le temps de générer une confiance. » La même exigence de la lenteur se ressent dans la très grande qualité des tirages noir et blanc. Réalisés soigneusement par PICTO Bastille, l’un des derniers labos parisiens à pratiquer l’argentique, les tirages, en trois formats, laissent apprécier le grain et la profondeur des images. Nadia Benchallal poursuit ce projet de vie en s’intéressant aujourd’hui aux femmes entrepreneurs de dix pays, dont elle veut montrer le courage et la réussite, « du micro-business rural, jusqu’au sommet du gratte-ciel d’à Abu Dhabi ».
Nadia Benchallal, « Sisters »
Yakin & Boaz Gallery, Casablanca
jusqu’au 10 juillet 2013
Nadia Benchallal, Women form the heart of the Casbah, the old Turkish town of Algiers. Algeria, 1997. Copyright de l'artiste
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