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KAMEL MENNOUR : LE GALERISTE, UN SHERPA POUR L’ARTISTE

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Pourtant, rien ne le prédestinait à cette carrière. Né à Constantine, en Algérie, il n’a que quelques mois lorsque sa famille s’installe à Belleville, quartier populaire parisien. Sa mère ne sait pas lire et son père est peintre en bâtiment. Le bac en poche, il s’oriente vers une fac d’économie. « Mais ce n’était pas mon truc », précise-t-il. Pour payer ses études, ses vacances, ses sorties, Kamel trouve un petit job. Il vend des lithographies en faisant du porte-à-porte. « Une révélation ! J’ai su à ce moment là que je serais galeriste, raconte-t-il. J’en avais tellement marre des posters sans substance, sans histoire, que j’ai voulu vendre des œuvres légitimes, profondes, qui parlaient d’art.» Très vite, en 1999, il ouvre sa première galerie, un minuscule espace, rive gauche, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés. « Une boîte à chaussures », sourit-il (…).


Sans connexions, sans contact avec le monde fermé de l’art contemporain, Kamel se lance. Au culot. Il se spécialise dans la photographie et arrive à convaincre des grands noms d’exposer chez lui. Entre autres, le Japonais Nobuyoshi Araki et l’Américain Larry Clark, dont les œuvres sont, à l’époque, peu montrées en France. Pour chaque expo, il publie un catalogue. Son petit plus. Le galeriste a du flair et fait petit à petit parler de lui. « Au bout de 3 ou 4 ans, j’ai eu le sentiment de réciter une leçon. J’ai voulu présenter différents médias – vidéo, sculpture, peinture, installation – et des artistes asiatiques et africains.» En 2003, il inaugure un nouvel espace, plus grand, à quelques numéros du premier. Les jeunes artistes algériens Adel Abdessemed et Kader Attia le rejoignent. La galerie fait un buzz et Kamel devient vite le chouchou des médias. On le surnomme même le « Zidane des marchands d’art. » Mais Mennour n’aime pas les étiquettes. « J’ai toujours fui les clichés », dit-il. (…) Fin 2007, il ouvre son troisième espace dans un somptueux hôtel particulier du XVIIIe siècle, à quelques rues des deux autres. « Je voulais écrire une histoire dans ce quartier, dit-il. Et puis je ne regarde jamais en arrière. Je suis focalisé sur ce qu’il me reste à faire et sur les projets que je mène avec mes artistes. » Deux des plus grands plasticiens français rejoignent le sérail Mennour : Daniel Buren et Claude Lévêque. Pour Kamel, c’est la consécration. Pourtant, à presque 45 ans, ses yeux brillent toujours, comme ceux d’un enfant qui rêve. « Parce que l’art contemporain est ma véritable passion, quelque chose d’essentiel, ma nourriture », conclut-il. 

ENTRETIEN

Comment concevez-vous la relation galeriste-artiste ?

Kamel Mennour : Comme un accompagnement, une connivence, une complicité, comme la cristallisation de rêves communs. Je dis souvent que le galeriste est une sorte de sherpa, qu’il porte les idées, les excitations et les projets des artistes. Je suis là pour les servir. Pour écouter, faire, produire et puis convaincre.

Vous avez fait le choix d’une galerie internationale d’art contemporain en offrant une place conséquente aux artistes du monde arabe. Pouvez-vous nous parler de ce parti pris ?

Je suis d’origine maghrébine, ce dont je suis fier et que je revendique, fier et revendiquant, mais j’ai toujours fui les étiquettes et n’ai jamais voulu être un galeriste d’art contemporain estampillé arabe. Je pense que c’est contre-productif. Ce qui m’intéresse, ce sont les enjeux esthétiques de l’art Contemporain avec un grand C. Je ne crois pas à l’art arabe mais seulement aux artistes arabes dans l’art contemporain global. J’aime l’idée du mélange et je pense qu’il faut présenter les artistes du Moyen-Orient dans un contexte international, les faire dialoguer avec ceux du reste du monde, occidentaux et asiatiques.

Ne croyez-vous pas que les institutions ont favorisé cette lecture identitaire de l’art dit extra-occidental, qu’elles ont circonscrit une pratique artistique à une communauté, un cadre géopolitique ?

Oui, il y a eu une ghettoïsation des artistes extra occidentaux. A mon sens, cette inscription communautaire est trop évidente, trop immédiate et devient presque primaire. Idem lorsque l’on parle du « black art » aux Etats-Unis. Circonscrire un artiste à un cadre géopolitique ou ethnique, c’est le réduire à un art de minorité. C’est péjoratif et réducteur. A mon avis, les artistes qui vont durer seront ceux qui s’excluront de ces clans, de ces familles qui sont en fait les purs produits d’une création marketing. Et je suis hermétique à ce concept.

Que pensez-vous, à ce propos, de l’exposition de Saatchi, à Londres, qui regroupe la nouvelle génération d’artistes du Moyen-Orient ?

Saatchi, d’où vient-il ? C’est un publicitaire. Il est supérieurement intelligent, il a tout compris au système marchand. Il sait qu’en organisant ce type d’événement, il va aimanter l’attention des collectionneurs. Personnellement, jamais je ne montrerai, en tant que galeriste, ce type de proposition.

Quel est votre sentiment face à la politique culturelle d’envergure qui se développe dans les Emirats arabes unis ?

Je pense que tout l’Occident est très intrigué par ce qui est en train de se dessiner dans les Emirats. Personnellement, j’ai beaucoup d’espoir, beaucoup d’attentes concernant cette zone du globe qui peut devenir l’une des nouvelles destinations de l’art contemporain. Il y a une émulation, une excitation évidente. J’espère juste que la crise ne va pas refroidir cet enthousiasme !

Votre avis sur la création marocaine contemporaine ?

Je la trouve formidable ! Il y a une très belle génération d’artistes plasticiens comme Mounir Fatmi ou Mohamed Elbaz, pour ne citer qu’eux. Je pense qu’il y a un vrai terreau fertile au Maroc. Ma galerie représente, comme je le disais, Latifa Echakhch, une jeune artiste marocaine de la diaspora. Elle a quitté le Maroc depuis une vingtaine d’années et vit aujourd’hui en Suisse. C’est peut-être une utopie mais j’adorerais voir des artistes locaux de cette région être confrontés à des artistes internationaux dans de grandes biennales à l’étranger. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il serait formidable que ces artistes puissent s’exprimer dans ce contexte, apprendre, donner et, bien sûr, recevoir.

Sans connexions, sans contact avec le monde fermé de l’art contemporain, Kamel se lance. Au culot. Il se spécialise dans la photographie et arrive à convaincre des grands noms d’exposer chez lui. Entre autres, le Japonais Nobuyoshi Araki et l’Américain Larry Clark, dont les œuvres sont, à l’époque, peu montrées en France. Pour chaque expo, il publie un catalogue. Son petit plus. Le galeriste a du flair et fait petit à petit parler de lui. « Au bout de 3 ou 4 ans, j’ai eu le sentiment de réciter une leçon. J’ai voulu présenter différents médias – vidéo, sculpture, peinture, installation – et des artistes asiatiques et africains.» En 2003, il inaugure un nouvel espace, plus grand, à quelques numéros du premier. Les jeunes artistes algériens Adel Abdessemed et Kader Attia le rejoignent. La galerie fait un buzz et Kamel devient vite le chouchou des médias. On le surnomme même le « Zidane des marchands d’art. » Mais Mennour n’aime pas les étiquettes. « J’ai toujours fui les clichés », dit-il. (…) Fin 2007, il ouvre son troisième espace dans un somptueux hôtel particulier du XVIIIe siècle, à quelques rues des deux autres. « Je voulais écrire une histoire dans ce quartier, dit-il. Et puis je ne regarde jamais en arrière. Je suis focalisé sur ce qu’il me reste à faire et sur les projets que je mène avec mes artistes. » Deux des plus grands plasticiens français rejoignent le sérail Mennour : Daniel Buren et Claude Lévêque. Pour Kamel, c’est la consécration. Pourtant, à presque 45 ans, ses yeux brillent toujours, comme ceux d’un enfant qui rêve. « Parce que l’art contemporain est ma véritable passion, quelque chose d’essentiel, ma nourriture », conclut-il.

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