Pour son nouveau solo show parisien, Younès Rahmoun poursuit ses migrations entre infiniment petit et infiniment grand, intérieur et extérieur, lumière et obscurité. Une délicate poésie du mouvement qui dit avec minimalisme ce qui échappe à l’oeil nu.
Le long du mur gris, les contours clairs des crêtes du Rif épousent le volume de la pièce, la structurent. De droite à gauche, Younès Rahmoun s’est attaché à rendre visibles les vibrations de la montagne, un mouvement intrinsèque semblable à l’eau qui coule ou à un électrocardiogramme capturant les pulsations d’un coeur. Coeur au niveau duquel il a d’ailleurs placé ses dessins, comme pour entrer en connexion directe avec cet organe essentiel et notre jardin intérieur. Sept fleurs nées de son imaginaire ferment le bal des cimes rifaines, évoquant la verticalité permise par l’équilibre entre ancrage dans la terre (racines profondes) et élévation vers le ciel (fleurs majestueuses).
Depuis 2012, l’installation Jabal-Hajar- Tûrab (Montagne-Pierre-Terre) n’a de cesse de se métamorphoser selon les espaces. À l’occasion du troisième solo de l’artiste à la Galerie Imane Farès, elle inclut une nouvelle structure de bois de laquelle pendent de délicats atomes en argile, emblématiques de la quête d’unité de Rahmoun. Quant aux trois groupes de photographies au sol et sept dessins – chiffre sacré symbole de perfection en Islam, il s’agit d’archives visuelles qui réfèrent à l’idée de migration qui donne son titre à l’exposition, « Hijra ». Ce terme porte le double sens de migration humaine et, assortie d’un article, de « l’exil » entrepris par le prophète Mahomet de La Mecque à Médine en 622, marquant le début du calendrier hégirien. Chaque dessin présenté précise méticuleusement sa date d’exécution selon ce calendrier et celui grégorien. Ce va-etvient entre des « polarités » supposées est caractéristique de la pratique de Rahmoun, qui concilie inlassablement les apparentes oppositions. Il s’intéresse aux points de rencontre et à la complémentarité : de la lumière à l’obscurité, du dedans au dehors, de l’immobilité au mouvement, ou de l’est à l’ouest comme dans la première série de dessins, à droite de la galerie, où il représente des pierres marocaines et libanaises issues de sa pratique de collecte et de permutation de cailloux à travers le monde. Lors de ses pérégrinations, il les recueille par sept puis les dépose lors d’un arrêt ultérieur et ainsi de suite jusqu’à avoir rapporté un nouveau groupe de sept pierres à son point de départ.
Ce geste minimaliste et humble témoigne du respect de l’homme pour son environnement, nous ramenant à une échelle juste : notre éphémère passage sur Terre ne devrait laisser que des traces subtiles, sans créer de déséquilibres. […]
Clelia Coussonnet
L'article est à retrouver intégralement dans le numéro 43 de diptyk