On sait qu’après la dernière guerre, c’est en Italie que s’est le plus manifesté un renouvellement du goût sur le plan esthétique. Ce pays se trouvait dans une période de fermentation qui a favorisé le développement de mouvements artistiques nouveaux(1) », écrira-t-il. La rencontre de Melehi avec Topazia Alliata (1913-2015), femme de culture cosmopolite à la tête de la galerie Trastevere, autour de laquelle gravitent les artistes d’avant-garde et les intellectuels italiens, est déterminante. Cette dernière lui consacre quatre expositions entre 1959 et 1963. Dès lors, Melehi se retrouve en contact avec les artistes les plus novateurs (Accardi, Burri, Fontana, Kounellis, Perelli, Capogrossi…) et assiste à des expositions d’artistes internationaux, notamment celles des jeunes peintres expressionnistes abstraits américains Jackson Pollock, Willem De Kooning et Robert Rauschenberg. Melehi est par ailleurs très sensible aux interconnexions qui existent à Rome entre les peintres, les poètes, les cinéastes et les architectes, et qui favorisent la correspondance des arts tout comme le lien entre l’art et la vie, concepts chers à l’esprit du Bauhaus. Il s’imprègne aussi de l’histoire des avant-gardes italiennes, notamment du mouvement futuriste (de 1909 à 1920), qui exalte un art épousant le progrès scientifique et s’intéresse à l’ère de la cybernétique qui pointe à l’horizon. Dans ce contexte d’émulation artistique et culturelle, Melehi endosse la conscience et le désir d’être de son temps, sans pour autant devenir amnésique. En découvrant l’intérêt porté par certains intellectuels européens à la philosophie orientale, Melehi se rend compte que cette dernière est compatible avec la modernité. Toni Maraini, fille de Topazia Alliata et future épouse de Melehi, écrit à ce propos que les livres d’Alan Watts, Daisetsu Suzuki et Eugen Herrigel sur l’art et la pensée du zen bouddhique circulaient de la main à la main. « Appartenant à une culture islamique, l’initiation à cette pensée ne m’a pas été difficile, déclarait Melehi en 1967.Grâce au zen, j’ai commencé aussi à redécouvrir ma propre culture tout en étant en Occident(2). »
Sur le plan pictural, Melehi découvre à son arrivée à Rome l’œuvre matiériste d’Alberto Burri, qui rejoint ses préoccupations artistiques du moment, avant d’opter en 1961 et 1962 pour des collages de papiers noirs et blancs, puis pour une série de toiles que traversent des bandes verticales, travaillées avec une palette très réduite, presque monochrome, avant d’y introduire de la couleur. Jean- Hubert Martin nous fait observer l’originalité du travail de Melehi à cette période. « À la violence destructrice et chaotique des Italiens et des expressionnistes abstraits, [Melehi] oppose la rigueur et la sérénité de la composition ordonnée(3). »