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POUR NICOLAS HENRY, LE MONDE EST UNE SCÈNE

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Il a niché ses cabanes imaginaires partout autour du monde puis en a rapporté les images par l’intermédiaire d’un livre. Le photographe et scénographe français Nicolas Henry travaille avec différentes communautés à réenchanter le monde. Après le Off de La Biennale de Dakar, il présente une sélection de ses tirages à Akaa comme autant de portes ouvertes, de possibilités de rencontres. 

 

Henri Guette 

 

 

Le rideau se lève à chaque fois sur une scène différente. Un riad au Maroc, un village en Éthiopie ou un marécage en Namibie, des lieux réels que l’artiste est venu théâtraliser. Avec des éléments trouvés sur place, des filets de pêche, du tissu ou simplement la végétation, Nicolas Henry crée un cadre qui attire le regard, une fenêtre onirique. Son vocabulaire est celui du spectacle, il l’a développé lors de ses études dans la section cinéma de l’Emily Carr Institute of Art and Design de Vancouver ; sa pratique est celle de la photographie, qu’il a définitivement adoptée aux Beaux- Arts de Paris. Au travers de chaque image, se met en place une narration : celle du passage d’une caravane, celle d’un bateau échoué au clair de lune ou encore celle d’un voyage à dos de cigogne. L’image figée invite le spectateur à se projeter, à compléter le récit. Les détails fourmillent d’indications, des étoiles en draps et bouts de ficelles, des partitions de musique ou encore des accessoires de cinéma réinventés avec des éléments de la casse. L’oeil se laisse prendre à cette invention formelle permanente qui, des costumes aux jeux d’optiques et de cadrage, tient de l’enchantement visuel. 

Avec la série Supershaktiman, du nom du héros populaire indien éponyme, Nicolas Henry développe un conte philosophique qui relie l’univers de l’hindouisme à celui de l’islam soufi. Amoureux de Shamina, Supershaktiman va traverser tous les obstacles qui les séparent de la possibilité d’être ensemble. Son voyage autant initiatique que spirituel le mène du Rajasthan au Maroc, des profondeurs des baolis aux majestueuses salles de palais décrépits, en passant par les ateliers de femmes ou le ventre de teintureries gigantesques. La fable a été célébrée à Fès, où elle a été présentée en 2017, ainsi qu’à Jaïpur en 2018. L’art du récit de Nicolas Henry réside dans l’abondance des détails, les inépuisables trouvailles visuelles et la richesse des plans. À voir se côtoyer des éléphants et des chameaux dans le même projet, on pourrait croire à une superproduction, mais il ne faut pas s’y tromper. Une autre histoire se raconte au-delà des effets spéciaux, celle du making-of. 

Nicolas Henry convoque souvent les dispositifs du cinéma, quand il ne les met pas en abyme. Un tournage devient ainsi l’objet d’une photo et met en évidence la complicité entre le photographe et ses modèles. L’artiste ne travaille pas seul, mais en équipe, et il lui importe de valoriser ceux qui l’accompagnent et travaillent avec lui, de la préparation des décors à la prise de vue. Le jeu entre l’imaginaire qu’une photo convoque, par exemple les films de western, et la réalité de son élaboration constitue tout le projet de l’artiste, également connu pour avoir réalisé avec Yann Arthus-Bertrand le film 6 Milliards d’Autres. Disponible à la rencontre, ouvert sur les autres, Nicolas Henry développe en réalité une œuvre profondément humaniste. La photo n’est qu’un moment, le moyen de garder la trace d’une émulation collective. Les installations sont réversibles, elles n’affectent pas le paysage, mais perdurent dans la mémoire des habitants. Dans une autre série, celle des Cabanes imaginaires, Nicolas Henry affirme que la cabane n’existe que dans un lieu et un moment délimité. Fragiles, à l’inverse d’un monument, elles créent un lien au-delà du matériel. À cheval entre la scénographie et la photographie, l’artiste nous laisse finalement entrapercevoir un refuge, une échappatoire, l’espace peut-être d’un rêve commun. 

 

Jean Feline, l’un des trois commissaires d’exposition, devant un tableau de Mohamed Baala à Riad Biba
Jean Feline, l’un des trois commissaires d’exposition, devant un tableau de Mohamed Baala à Riad Biba
Mohamed Melehi, « Signal CO2 », 2016
Mohamed Melehi, « Signal CO2 », 2016
CHOUROUK HRIECH (NÉE EN 1977) LES LANTERNES 3, 2014 Gouache sur toile 150 x 203 cm 130 000 / 150 000 DH 13 000 / 15 000 €
CHOUROUK HRIECH (NÉE EN 1977) LES LANTERNES 3, 2014 Gouache sur toile 150 x 203 cm 130 000 / 150 000 DH 13 000 / 15 000 €
AMINE EL GOTAIBI (NÉ EN 1983) ATTORAB AL WATANI (TERRITOIRE NATIONAL) Structure métallique et terre pisée Édition 1/4 + E.A. 44 x 117 x 10 cm 60 000 / 70 000 DH 6 000 / 7 000 €
AMINE EL GOTAIBI (NÉ EN 1983) ATTORAB AL WATANI (TERRITOIRE NATIONAL) Structure métallique et terre pisée Édition 1/4 + E.A. 44 x 117 x 10 cm 60 000 / 70 000 DH 6 000 / 7 000 €
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