A la Cinémathèque de Tanger, un colloque multiplie les interventions et les projections pour réfléchir à la notion d’artiste citoyen et la manière dont il explore les utopies sociales et la mémoire ouvrière. Rencontre avec Philippe Terrier-Hermann, artiste et professeur, à l'origine du projet.
Pouvez-vous nous présenter le projet « Puisqu'on vous dit que c'est possible » en quelques mots ?
Avec Stéphanie Jamet-Chavigny (historienne de l'art) et Matthieu Laurette (artiste) – professeurs chercheurs à L'ISBA Besançon – nous proposons un contrat social qui donne à réfléchir sur l'engagement dans les démarches artistiques contemporaines. Cette année, nous célébrons le quarantième anniversaire du film Puisqu'on vous dit que c'est possible de Chris Marker, qui revient sur l'expérience d'autogestion par les ouvriers de Lip à Besançon [à la suite de la menace d’un dépôt de bilan dans l’usine Lip en 1973, les ouvriers séquestrent l’administrateur, occupent l’usine, organisent une manifestation qui réunit 12 000 personnes et lancent un mouvement de grève mémorable]. Nous pensons que ces expériences de prise de la caméra dans la fin des années 60 par les ouvriers (Lip, Groupe Medvekine, Rhodia…) ont été historiques et osons un parallèle avec le rôle des caméras dans les récentes révolutions arabes. Nous inviterons, à ce propos, le cinéaste Stefano Savona qui nous présentera son film Place Tahrir qui nous fait comprendre l'importance des médias dans la révolution égyptienne.
Parlez-nous du panel Esthétique de la lutte / Des Résistances, en quoi les artistes marocains émergents répondent à ces problématiques ?
En fait, j'ai découvert le film Sur la planche de Leila Kilani l'année passée, qui m’a fait l'effet d'un électrochoc tant il est loin de l'image officielle du Maroc que l'on veux nous dépeindre en Europe. J'ai l'impression qu'il y a actuellement une nouvelle scène artistique au Maroc qui bouillonne et développe un regard critique sur le monde avec une certaine acuité. J'ai pu rencontrer quelques jeunes artistes comme Simohammed Fettaka, Omar Mahfoudi, Hamza Halloubi, Mohamed Arejdal et bien sûr, Yto Barrada et Bouchra Khalili qui semblent très libres, abordent une multitude de médium et dont les travaux peuvent se rapprocher d'écritures documentaires, avec des engagements sociaux forts, ce qui me parait assez nouveau au Maroc. Ce symposium, suivi d'un workshop avec des étudiants de Besançon, Bruxelles et Tétouan, en proposant des rapprochements de personnes et d'idées permettra de travailler sur des histoires partagées. Je pense que les luttes sont certainement ce qui peut le plus nous rapprocher.
Quel est l'intérêt de montrer Chris Marker au Maroc ?
Il doit être montré partout, c'était un citoyen du monde qui prétendait être né à Oulan-Bator. Aussi le cinéaste du film longtemps censuré Les Statues meurent aussi doit avoir une place de choix en Afrique.
Christine Van Assche, conservatrice au Centre Pompidou, nous parlera de l'engagement de Chris Marker et ce sera l'occasion d'un échange avec Catherine David et de jeunes acteurs de la scène marocaine afin de réfléchir aux enjeux des nouveaux médias tant dans le monde artistique que celui de la lutte.
Syham Weigant
Philippe Terrier-Hermann, artiste, réalisateur est professeur chercheur au sein de l'ISBA, Besançon et de La Cambre à Bruxelles
La rédaction de diptyk se joint aux nombreuses voix endolories pour présenter toutes ses condoléances aux familles des victimes du séisme qui a frappé notre pays.
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