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Rencontres photo d’Arles, la sélection d’Olivier Rachet

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Que voir aux Rencontres photographiques d’Arles ? Notre critique d’art Olivier Rachet a tranché et s’est laissé séduire par les corps violentés de Frida Orupabo, les anthotypes de Léa Habourdin et les collages émotifs de Katrien de Blauwer. Visite.

Frida Orupabo. Grand écart, collage avec attaches parisiennes, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Nordenhake.

Le corps noir questionné par Frida Orupabo

Des corps de femmes noires démembrés, recomposés, comme violentés par un traitement agressif du collage. Des corps fétichisés, agrafés, des corps objets désubjectivés, comme livrés en pâture au regard masculin. Loin d’être un adepte inconditionnel de l’idéologie décoloniale qui se nourrit parfois de suffisance et de ressentiment, je reconnais que le travail de l’artiste norvégienne Frida Orupabo, dans son exposition « À quelle vitesse chanterons nous », frappe par la violence radicale de son montage des attractions exhibant le regard grotesque qui fut longtemps l’apanage de l’entreprise coloniale. Un coup de pied dans la fourmilière de ceux qui pensent que le corps noir doit être réhabilité dans une sorte de néo-orientalisme qui ne dit pas son nom. Tout regard charrie toujours son lot de préjugés et d’idées stéréotypées. Le regard violente toujours celui qui se soumet à son emprise déshumanisante. Et ça fait mal !

Léa Habourdin. Images-forêts : des mondes en extension, sérigraphie, pigments d’écorce de chêne et de charbon. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Une catastrophe effroyablement silencieuse avec Léa Habourdin

Le paradoxe est là, et nous faisons mine de ne pas le voir. Notre utilisation exponentielle des images, notre emploi chronophage des réseaux sociaux participent aussi du réchauffement climatique. À chaque clic produit, un arbre meurt. Cet article devrait pouvoir s’autodétruire, mais ce sera après avoir évoqué le magnifique travail de Léa Habourdin dans « Images-forêts : des mondes en extension ». Des sérigraphies réalisées avec des pigments naturels et des anthotypes, tirages éphémères produits avec des substrats végétaux broyés par l’artiste qui en utilise la chlorophylle photosensible. Anthotypes placés derrière des portes de placards que le spectateur est invité à ne pas ouvrir pour ne pas détériorer l’image, mais on en a déjà trop dit…

Katrien de Blauwer. Commencer (68), 2020. Avec l’aimable autorisation de la galerie Les Filles du calvaire et de la galerie Fifty One.

Katrien de Blauwer joue avec notre désir

Il est question d’attente, de désir fiévreux, d’empêchements et d’évasion. Un avion file à toute allure entre vos jambes. Une horloge sonne les heures en ombres chinoises. On croit voir passer, dans les collages cinématographiques de Katrien de Blauwer, les âmes errantes de Monica Vitti ou d’Anna Karina. Ces jambes, ces lèvres ; notre mémoire s’en souvient comme d’un film en 35 mm qui n’en finirait pas de brûler. « Les photos qu’elle ne montre à personne » rassemble 10 ans de travail, de coupes émotives et de montages tout aussi lyriques. L’intimité du sentiment de dépossession qui nous habite tous. C’est un pur enchantement.

Olivier Rachet

Rencontres photographiques d’Arles, jusqu’au 25 septembre 2022, divers lieux dans la ville.

Visuel en Une : Katrien de Blauwer. Commencer (62), 2020. Avec l’aimable autorisation de la galerie Les Filles du calvaire et de la galerie Fifty One.
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