Avec sa nouvelle exposition consacrée à l’adolescence tangéroise, Omar Mahfoudi revient hanter les lieux de son enfance. Un quartier de la médina où l’on découvre une jeunesse en pleine mutation.
« Tanger, c’est la vie d’un faux guide qui a mis son cartable de côté pour ne pas aller à l’école, qui prend une fleur et la propose à un touriste, qui affronte la vie et connaît les vices », résume avec un brin de nostalgie Omar Mahfoudi, qui se définit comme « un enfant de la médina ». Plus souvent connu pour sa peinture, c’est un artiste avant tout passionné de cinéma que l’on découvre à travers les photographies, vidéos et dessins de l’exposition « Tanjawi ». Sa fréquentation assidue de la Cinémathèque de Tanger l’a conduit, dès 2007, à réaliser ses premiers documentaires de création. Il s’y intéressait aux cafés de son quartier, non loin de l’hôtel Continental, et à sa population aussi bigarrée que dans un roman de Mohamed Choukri. « Vieux pêcheurs, vendeurs de shit, ex-politiciens corrompus, faux guides : tous se retrouvaient pour jouer aux cartes ou regarder les matchs de foot. » En 2013, Omar poursuit cette aventure cinématographique en réalisant ses premiers films d’animation lors d’une résidence californienne. Mais c’est le cinéma d’auteur qu’il prend plaisir à citer, en disant tout son émerveillement devant l’oeuvre d’Agnès Varda, d’Alain Cavalier ou de Robert Bresson. La rencontre qui l’a le plus marqué est sans doute celle du réalisateur de Las Mimosas, Oliver Laxe, qui lui a fait découvrir « la poésie du grain propre à la pellicule ». Si la vidéo La playa, présente dans l’exposition, est tournée avec une caméra mini DV, la nostalgie du 16 mm semble habiter le vidéaste.
«Je suis fasciné par le portrait-robot»
La question du genre n’est pas nouvelle dans le travail d’Omar Mahfoudi. Certaines de ses peintures abordaient déjà la question de l’identité sexuelle. En s’intéressant ici aux jeunes du quartier de Benider, lieu interlope comme en connaît la tradition tangéroise, il se focalise sur une jeunesse marginalisée, subissant une « double pression sociale et religieuse », à laquelle font cruellement défaut « des lieux d’expression dans l’espace public ». C’est en regardant les vidéos que ces jeunes diffusent sur YouTube qu’Omar Mahfoudi a eu l’idée de montrer la profonde sensualité qui les unit : « La notion de contact physique et d’amitié est très profonde chez eux. Dans leurs films, on voit parfois les garçons jouer aux femmes. » Cette ambiguïté sexuelle est explorée à travers une vidéo tournée en plusieurs plans-séquences, à laquelle s’ajoutent des dessins inédits dans lesquels l’artiste renoue avec différentes encres, qu’il mélange avec l’eau pour les rendre plus fluides. « Je suis fasciné par l’idée de portrait-robot utilisé par la police scientifique », reconnaît celui qui tente de cerner une jeunesse qui le fascine autant qu’elle semble partir à la dérive. Première pierre d’un projet de docu-fiction dont rêve Omar, dans lequel les jeunes joueraient leur propre rôle.
Olivier Rachet
Safaa Erruas, Le Sud, Cartes et territoires, 2016, gaze plâtrée, fils métalliques, 150 x 300 cm Courtesy de l’artiste et L’Atelier 21
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