Au 18, l’art pour rendre sensible les migrations

Comment les expériences migratoires, quoique traumatisantes, peuvent-elles créer de l’échange et nourrir une pratique artistique ? Le 18 expose pendant deux mois les restitutions de résidences de recherche et de création portées par l’association culturelle The Minority Globe qui, depuis 2009, œuvre sur le terrain pour produire une archive collaborative des migrations. Curatée par Maud Houssais en collaboration avec le fondateur et directeur artistique de The Minority Globe, l’artiste activiste ghanéen Yemoh Odoi, l’exposition explore la matérialité sensible et imaginaire d’expériences pensées dans leur singularité.

Le duo Mbarek Bouhchichi et Omar Berrada restitue de sa résidence à Tiznit une installation de babouches « masques de passage » performées sur les sonorités métalliques des crotales des anciens esclaves, ainsi que des planches d’herbier vernaculaire et une monumentale agave en cuivre surgissant comme une perche tendue aux migrants, garnie des crochets nécessaires au franchissement des frontières. À Oujda, Wiame Haddad et Léa Morin ont guidé auprès de migrants des réinterprétations de broderies et une performance corporelle scellant un échange créatif entre un danseur et un footballer.

Sur le terrain tangérois, l’artiste nigérian Emeka Okereke et l’anthropologue indienne Mathangi Krishnamurthy ont produit un récit à deux voix, restitué sous forme de texte et de création vidéo. À Laayoune, Wiame Haddad a filmé l’épave du « Que sera sera », échoué avec toutes ses charges, gagné par la rouille, métaphore du naufrage mais aussi de la mémoire : « Tout ce qui appartient à la mer restera vivant, tout ce qui ne sera pas à la mer sera détruit », invite à penser Yemoh Odoi. Hommage est également rendu aux participants à ces résidences, avec des portraits grand format restituant ce qui a été donné et partagé autour de cette élaboration de récits alternatifs et subjectifs de la migration.