[EDITO #62] Le futur appartient à ceux qui décident de l’imaginer

Repoussé plusieurs fois devant l’ampleur du sujet et la difficulté de le cerner, le documenter et l’assumer, nous présentons enfin dans ce numéro de fin d’année un dossier sur l’afro-futurisme. Si on s’est aventuré à prendre part à cette « recherche en cours », c’est parce que le sujet nous a semblé à la fois omniprésent comme motif et assez diffus comme objet d’étude. Comment imaginer l’avenir lorsqu’on a été, des siècles durant, écarté de la marche du monde ? Pour répondre à cette question ambitieuse, notre dossier fouille la matière complexe derrière l’esthétique afrofuturiste mainstream véhiculée par le motif récurrent de l’afronaute ou des films grand public comme le Black Panther : Wakanda forever de Marvel Studios. De cette forêt touffue émerge une production artistique contemporaine, qui emprunte à la géographie, l’histoire ou l’anthropologie et qui triture le vocabulaire de la science-fiction pour imaginer et écrire des scénarios désirables du futur. Pas vraiment un mouvement, ni une philosophie, c’est une aspiration à faire partie de l’écriture du monde. « Le futur appartient à ceux qui peuvent l’imaginer, le penser et le rendre réel. Il n’est pas à attendre mais à créer », pouvait-on lire en calligraphie arabe à la surface du Musée du Futur. Cette phrase de l’émir de Dubaï, qui a marqué les esprits au moment de l’inauguration du musée, en marge de l’Exposition universelle, est une version politique et efficace de l’aspiration afrofuturiste, débarrassée de la composante psychédélique et bricolée, nécessaire bien qu’utopiste, des cosmonautes en tenue wax. Avant d’embarquer dans ce futur qui, de l’avis général, a démarré en 2020 (le XXe siècle n’avait-il pas commencé en 1914 ?), ce numéro de fin d’année propose aussi de relire les 20 ans déjà écoulés au Maroc de ce XXIe
siècle en filigrane de l’histoire de L’appartement 22. Cette structure, dont l’adresse au 279 avenue Mohammed V à Rabat ne dit rien de l’ambition, a eu
une influence phénoménale sur la scène contemporaine marocaine. Younès Rahmoun, Safaa Erruas, Mustapha Akrim… tous sont sortis de ce petit appart de 20 m2 avec, en main, la boîte à outils pour bricoler un avenir solide dans l’art contemporain international. En 2022, on a célébré les 20 ans de cet écosystème clandestin mais puissant. Dans notre enquête, nous sommes allés questionner le système 22 et voir comment, à force d’énergie,
en questionnant perpétuellement son ADN, il résiste à la canonisation. Bonne année à la lecture de ce nouveau numéro.

Meryem Sebti,
Directrice de la publication et de la rédaction

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