Biennale de Venise

Sheila Hicks, Escalade Beyond Chromatic Lands, 2016-2017

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Sous le titre «Viva Arte Viva», la commissaire française Christine Macel a tenu à célébrer l’art et ceux qui le font. L’exposition in- ternationale nous invite à suivre 120 plasticiens, dont 103 exposant à Venise pour la première fois, au plus près des enjeux de la création. Fil rouge de cette proposition, le textile reconnecte l’art à l’arti- sanat et questionne le geste. Les pavillons nationaux affichent une dimension politique. 

 

Venise, arrêt de vaporetto « Giardini », mi-mai 2017. Loin de la foule compacte et bigarrée du vernissage, le public attentif de cette Biennale se partage entre amateurs éclairés et quelques professionnels qui se sont attardés dans la lagune. Répartie principalement sur deux sites (l’ancien Arsenal et les Giardini), la Biennale de Venise, créée en 1895, requiert toujours plusieurs jours de visite : au-delà de l’exposition internationale, elle accueille aussi des participations nationales organisées par chaque pays (voir article page XX) qui se déploient jusque dans la ville. 

En 2015, sous la direction d’Okwui Enwezor, la biennale était inscrite dans le monde et, de fait, marquée par les conflits. Cette année, Christine Macel, conservatrice au Centre Pompidou à Paris, nous propose une biennale plus poétique, joyeusement intitulée « Viva Arte Viva ». En replaçant l’artiste au centre de sa réflexion (« une biennale avec les artistes, des artistes et pour les artistes », a-t-elle déclaré), elle a sélectionné des pièces au geste incarné, valorisant le savoir-faire de plasticiens de tous horizons et de toutes générations. Structurée en neuf chapitres thématiques, cette 57e biennale est assurément ordonnée et bien accrochée, paraissant « cartésienne » à certains, voire un peu trop didactique parfois. 

La biennale s’engage de façon classique dans le pavillon central des Giardini (on attend encore un accrochage qui saura bousculer cet espace de type white cube), avec les chapitres consacrés « aux artistes et aux livres » et « aux joies et aux peurs ». Au cœur du pavillon, le Danois Olafur Eliasson a installé un atelier participatif à l’appui d’une technologie pointue. Ouvert au public, et plus spécifiquement aux étudiants, migrants et jeunes réfugiés, ce projet aux accents bien-pensants laisse perplexe. Au niveau supérieur, des affiches d’anciennes biennales, déchirées ou redessinées, voire inventées par Raymond Hains (1926-2005), offrent un clin d’œil historique et léger. Ces deux propositions emblématiques valorisent l’artiste dans sa pratique, en atelier comme en solo. L’autre moitié du pavillon, vouée au chapitre « des joies et des peurs », met en exergue des fragilités, qu’il s’agisse des portraits troublants de l’artiste berlinois d’origine syrienne Marwan (1934-2016), du destin tragique de migrants disparus en mer, vu avec tact et efficacité par la jeune Hajra Waheed (née en 1980), ou de l’univers délicat animé par l’Américaine Rachel Rose (1986)… Le parcours s’achève sur une silhouette flottant dans un espace indéfinissable, filmée avec grâce par l’Argentin Sebastián Díaz Morales (1975) : un moment suspendu offrant une respiration bienvenue dans une exposition toujours dense. 

 

AU FIL DU TEXTILE

 

 

Une deuxième journée de visite est consacrée à l’Arsenal de Venise, à dix minutes à pied des Giardini, où se poursuit l’exposition internationale. Dans le long espace des Corderies (300 mètres de long), impossible de ne pas remarquer le fil rouge textile parmi les pièces exposées : écho subtil à la fonction originale du site, la fabrication des cordages pour les embarcations ? Ce recours à un savoir-faire artisanal célèbre en creux le geste de l’artiste et sa pratique – « viva arte viva », toujours – et guide notre regard.
Premier temps fort, pour ouvrir le chapitre de « l’espace commun », un ensemble de pièces de l’artiste italienne Maria Lai (1919-2013) – livres et toiles cousus, performance – nous immerge dans un travail remarquable du tissu où l’obstination le dispute au raffinement. La couture se fait aussi in situ : né à Taïwan, Lee Mingwei (1964) recoud pour dialoguer avec l’autre, tandis que le Philippin David Medalla (1938) invite le visiteur à coudre l’objet de son choix pour contribuer à un archive protéiforme du présent. Autre forme d’activation, les pièces de l’Allemand Franz Erhard Walther (1939, Lion d’or du meilleur artiste), ouvertes à une possible appropriation de la part du public. (…)

 

 

Retrouvez la suite de cet article dans le numéro #39 de Diptyk Mag actuellement en kiosque