DAK’ART JOUR 4: VISITE DU PAVILLON ALGERIEN

Youcef Krache, Vitrines, courtesy du pavillon algérien

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Grande nouveauté cette année, deux pays du Maghreb ont présenté des pavillons nationaux. L’Algérie a fait le choix de la jeunesse et de l'audace et cela fonctionne parfaitement. Mourad Krinah, commissaire et également artiste exposé, nous en fait une visite guidée. Sur la sélection, Krinah révèle son souci de présenter la scène émergente locale. Uniquement de jeunes artistes donc, souvent fraîchement diplômés de l’école des Beaux-arts d'Alger, ce qui permet d'avoir un instantané juste de l’Algérie d'aujourd'hui.
Aucun thème n'a été imposé, on retrouve donc les univers très personnels de chacune de ces promesses de talent. De Youcef Krache, on verra une série photo en noir et blanc qui immortalise un passage obligé de beaucoup d’Algérois, des portraits plan serré de bus dont les voyageurs blasés sont figés dans une posture d'attente. Toujours via le médium photographique mais avec une intervention graphique sur les tirages, Sofiane Zouggar montre un travail percutant où il utilise des images d'archives pris par les protagonistes de la décennie noire, des photos souvenirs (!) tant des soldats que des terroristes, glaçantes de cynisme. 
Maya Ben Chikh el Fegoun présente des peintures de belle facture, sous forme de métaphore universelle des lois de la nature, elle représente la scène vue sur son balcon d'une mouette dévorant un oisillon. Du commissaire, graphiste de formation et membre du collectif BOX24, une série de memento mori reprenant la figure et les codes d'Andy Warhol, pape du pop art.
Les sculptures et peintures de Hicham Belhamiti sont d'une drôlerie douce amère, les toiles nommées Al Tiyou (le tuyau en arabe dialectal ndlr) sont la métaphore de la manne pétrolière algérienne qui ne profite qu'à une certaine caste, tandis que le peuple guette les quelques gouttes qui s'échapperont peut-être des pipelines pour lui revenir. En écho, la sculpture du même artiste Le penseur, papa et moi répond avec un humour décapant en montrant trois personnages dans la posture de la célèbre sculpture de Rodin, espérant, assis sur des barils de pétrole que la roue tourne en leur faveur.
Rafik Khacheba, dans une belle installation, parsème le sol de feuilles mortes faisant du fameux printemps arabe un automne triste et morne. Mais il y a encore beaucoup à voir, un foisonnement d’œuvres critiques qui évoquent le harcèlement que subissent les femmes au quotidien dans le Maghreb, les liens biaisés de ces mêmes pays avec le Qatar mais aussi des recherches plus formelles et esthétiques qui révèlent la poésie du quotidien.
Un beau pavillon qui donne envie de suivre assidûment le parcours à venir de ces promesses de talent.
Un seul regret. En tant que Marocains, on aurait aimé que le pavillon de la Royal Air Maroc ose sortir, lui-aussi, des sentiers battus en montrant la fougue, la jeunesse et la contestation à l’œuvre  dans une scène contemporaine marocaine dont DIPTYK ne cesse de vanter les mérites.

 

Syham Weigant, en direct de Dak’art, pour DIPTYK et le Dak’art actu

 

http://www.biennaledakar.org

Fella Tamzali-Tahari, Duo, courtesy du pavillon algérien
Sofiane Zouggar, triptyque, courtesy du pavillon algérien
Nadia Benchallal, Girls waiting for their friends at the Bab Azzour University, suburb of Algiers. Algeria, 1994. Copyright de l'artiste
Nadia Benchallal, At the Attraction park near Algiers. Algeria, 1995. Copyright de l'artiste
The Anti-Clock Project, 2015, poudre de graphite et graphite sur papier coton Courtesy de l’artiste et de la Barjeel Foundation