[ EDITO ] Palimpsestes contemporains

« Par-dessus l’encre qui a imprimé les idées de Paul Bowles, j’ai ajouté une autre encre, celle du stylo-bille, pour imprimer mes idées à moi. » Dessin sur le livre Un Thé au Sahara de Paul Bowles - Mounir Fatmi

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Effacement, surimpression, manipulation, réappropriation sont les nouvelles formes de palimpsestes dans l’art contemporain. L’artiste Mounir Fatmi nous raconte dans un long entretien très intimiste les liens qui l’unissent au mouvement de la Beat Generation. À Tanger où il a passé son enfance et son adolescence, il évoque ses souvenirs avec Choukri et Bowles qu’il a connus intimement ou encore sa fascination pour Brion Gysin qu’il collectionne. À la fin de cet entretien-fleuve, où l’on découvre l’artiste tangérois sous un jour nouveau, il nous montre ce volume d’Un Thé au Sahara dont il a entrepris de recouvrir chaque page. « Par-dessus l’encre qui a imprimé les idées de Paul Bowles, j’ai ajouté une autre encre, celle du stylo-bille, pour imprimer mes idées à moi. » C’est pour Fatmi le travail d’une vie entière, commencé et arrêté plusieurs fois.
 

C’est à une forme de palimpseste que se livre également l’artiste tunisien Nidhal Chamekh, dont Diptyk tire le portrait. Dans la série de dessins qui l’a propulsé en 2015 à la Biennale de Venise, il « recouvrait » le sens du poème De quoi rêvent les Martyrs ? de ses propres significations, de son propre vécu de la Révolution tunisienne.
 

Chercher d’autres formes de narration, d’actualisation, c’est enfin ce qu’a fait, avec beaucoup de brio, le tandem formé par Faouzi Laatiris et Morad Montazami dans l’exposition « Volumes fugitifs », au Musée Mohammed VI, sur laquelle Diptyk vous propose un important dossier.

L’artiste-professeur des Beaux-Arts de Tétouan et le curateur de la Tate Modern revisitent, rejouent l’exposition historique « L’objet désorienté » de 1999 (Musée des arts décoratifs/Villa des Arts) en y apportant une nouvelle lecture. Au MMVI, courez voir cette exposition, inaugurée certes un peu en catimini, où plusieurs générations d’artistes passés par l’atelier du professeur Laatiris – Younès Rahmoun, Safaa Erruas, Batoul S’Himi,  Mohamed Arejdal, Mohssin Harraki ou encore Mustapha Akrim – se côtoient dans un désordre qui n’est qu’apparent.

 

Meryem Sebti 

Directrice de la publication et de la rédaction