LAOULI, L’INSOUMIS

portrait de l'artiste par Kathrin Ströbel

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D’abord peintre pétri des mythes et des écrits sacrés de l’art, il a tout abandonné voila deux ans pour construire une œuvre en en perpétuel mouvement. Remarqué de Rabat à Marseille, Londres et Amsterdam, portrait du nouveau cador de la scène contestataire marocaine.

 

Syham Weigant

 

 

 

Ils ont réussi à braquer le Musée de Rabat, mais ce soir c’est relâche. Scène ouverte dans une cave du Rabat interlope : Youssef Ouchra au Djembé, Mohamed Arejdal et Mustapha Akrim tapis dans l’ombre qui scandent en applaudissant et sur scène Mohammed Laouli qui assène un slam en freestyle. C’est lui le dandy du groupe, beau et mystérieux, un peu abimé, buriné et à l’élégance légèrement élimée. Une démarche, un look et ses coups de tête qui fusent comme des coups de boule. A fleur de peau, écorché vif. En fait énervé et insoumis. C’est un esthète en mode combat qui jette de la poésie au milieu du désordre. Et ça claque ! Efficace, comme une punchline bien affutée. Laouli a abandonné la peinture il y a quelques années, un art dont lequel il avait déjà acquis une jolie réputation mais dont il pense avoir poussé l’exercice à son paroxysme.

 

La phrase fait œuvre

Il avait fini par sacrifier le Minotaure, son sujet de prédilection, dans une installation chez Yasmina Naji en 2012 (« Between Walls », une exposition exigeante sous forme de Demolition Party). Il lui faisait subir une fin à la Marat, ensanglanté dans une baignoire. Un moment de transition qui le fait basculer vers de nouvelles pratiques et où il est remarqué par des curateurs pointus. On pense notamment à son projet emblématique du Golf (visible actuellement au MMVI de Rabat) où il finit de rompre avec le medium pictural : « Cette vidéo c’est une forme de peinture, un aplat vert sur une terre ocre ». C’est sans doute aussi l’œuvre la plus frontalement critique qui ait émergé chez cette génération 00.

Du prétexte : une partie de golf improvisée sur un terrain vague à quelques mètres de sa maison, émergent les commentaires des joueurs informels, ayant pour une fois accès à ce sport de nantis qui aura fait surtout beaucoup de mal au pays et à sa population. Il en reste l’aphorisme désormais fameux : « Je peux enfin jouer sur le gazon des bouchers ». Découpé dans le même gazon synthétique, il forme un genre de ready-made où la phrase fait œuvre. De la même façon, de sa vidéo Lettre au Roi montrée cet été au MuCEM, il a retenu pour la galerie Kulte le vers du poème de Chaouki : « Que votre majesté protège ma majesté. » De la bouche d’une marginale, il le brode sur un coussin et joue des polysémies. Des punchlines encore ! Directs et puissants comme des uppercuts. Un dernier, tout aussi cynique mais à mourir, quand il évoque la scène contemporaine marocaine : « I’m very famous in my country ! ».

 

[…] Retrouvez l'intégralité de ce portrait dans DIPTYK#26, actuellement en kiosque

Sahb, 2014. Encre sur papier. Copyright de l'artiste