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Najia Mehadji par elle-même

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L’artiste enchaîne les expositions et les rétrospectives, comme celles de la Villa des Arts à Casablanca et Rabat. S’il ne fallait retenir que quelques œuvres? Najia Mehadji se prête au jeu et commente les quatre toiles les plus emblématiques pour elle.

L’œuvre de Najia Mehadji se crée à son insu, dit-elle. « Je travaille de façon organique, par périodes qui s’enchaînent. » Depuis ses débuts, il y a plus de trente ans, c’est toujours le même « profond désir de synthèse » qui est à l’œuvre. L’artiste franco-marocaine, elle-même enfant de la mixité, n’a de cesse de rapprocher ce qui a priori s’oppose : Orient et Occident, passé et présent, art et artisanat… Elle mêle aussi les techniques, qu’elle invente ou utilise à contre-emploi, comme ce pinceau à maroufler – initialement destiné à coller les affiches – avec lequel elle fait onduler ses vagues et drapés. Ou ces sticks à l’huile qui lui permettent de tracer, telle la craie, fleurs et arborescences sur la toile brute. La synthèse, c’est aussi celle qui s’opère entre son histoire personnelle et ce qui lui parvient de l’extérieur, comme le drame des migrants dans la récente série desVagues. « La ligne directrice, c’est maintenant que je la vois », à la faveur des rétrospectives qui lui sont consacrées. « Et ça continue. Je ne sais jamais ce qui va arriver à l’avance. Cela n’arrive que parce que je vais jusqu’au bout. C’est comme la vie. »

Coupole, 1994, enduit et colle sur papier, 185 x 175 cm

Coupole

« La coupole est apparue dans mon travail en 1993, à un moment où j’étais particulièrement indignée par les crimes commis en ex-You- goslavie, la stratégie dite d’épuration ethnique à l’encontre des Bos- niaques musulmans et la destruction de leur patrimoine culturel. Sara- jevo est dans mon imaginaire comme la ville de Grenade, en Andalousie, à l’époque médiévale de son âge d’or, ouverte et multiculturelle. J’ai donc eu envie de travailler à partir de certaines coupoles, comme celles de l’Alhambra, puis sur l’universalité de cette forme dans l’architecture mondiale, où l’on retrouve souvent l’octogone pour créer le passage du carré au cercle, du terrestre au céleste. La coupole est une sorte d’intermédiaire entre l’humain et le cosmos, et sa forme semi-sphérique est à la fois voluptueuse et spirituelle. »

Fleur–Flux, 2003, enduit et colle sur papier, 175 x 140 cm

Fleur-Flux

« Le thème des fleurs débute en 2003 par le deuil d’un parent proche. Elles sont des offrandes, comme les lotus des fresques tombales des rois et des reines, à Louxor, dans l’Égypte ancienne. La fleur, c’est l’éphémère par excellence, porteuse de fertilité, comme la grenade, que l’on retrouve dans différentes civilisations ; son symbole franchit allégrement les frontières, en Méditerranée, mais aussi en Iran, en Inde, en Chine… Elle est aussi présente dans les magnifiques broderies de Rabat ou de Tétouan, que des femmes comme ma grand-mère ont brodées avec talent. Ces broderies font partie de mon ima- ginaire, autant que les toiles de Claude Monet ou de Georgia O’Keefe. »

Drapé d’après La Valse de Camille Claudel, 2015, acrylique sur toile, 175 x 145 cm

Drapé

« Il y a quelques années, je suis allée voir une rétrospective des sculptures de Camille Claudel avec une amie, Anne Rivière, qui a été la codirectrice d’une revue de femmes – Sorcières. J’y ai publié mes premiers dessins en 1976. Je connaissais La Valsemais, cette fois, j’ai été captivée par son drapé que j’ai perçu comme une coulée de lave aux turbulences singulières. J’appris, par la suite, que la première sculpture de La Valse, réalisée par Camille Claudel en 1899, était dénuée de tout drapé et avait été refusée par le Salon car les corps des danseurs étaient nus ! Paradoxalement, c’est cette obligation de dra- per le corps de la femme qui, en définitive, a permis à l’artiste d’exprimer, dans ses plis et ses replis, avec force et passion, son désir de liberté. »

Vague, 2018, acrylique sur toile, 100 x 200 cm

Vague

« Il y a trois ans, lors d’une commande pour une exposition sur le thème des migrants, la vague s’est imposée à moi comme symbole de passage, de péril, d’exil, de mort, mais aussi de mouvement, de dynamisme, d’espoir… Et, à partir de photos de vagues océaniques prises notamment à Essaouira, j’ai voulu capter leur flux et leur reflux où les crêtes d’intensité se conjuguent pour créer un mouvement qui semble issu des profondeurs. Une phrase du poète soufi Jalal-al-Din Rûmi m’a alors interpellée : « Tout est un, la vague et la perle, la mer et la pierre ; rien de ce qui existe en ce monde n’est en dehors de toi. » Cette pensée me tient souvent de fil conducteur : se projeter vers l’extérieur sans oublier d’où l’on vient. »

«Le trait et la forme, 1985-2018», Villa des arts, Casablanca, jusqu’au 31 mai 2019. «Le flux et la danse, 2011-2018», Villa des arts, Rabat, jusqu’au 31 mai 2019. 

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