Elle montre, en revanche, les premières œuvres où le modèle noir est peint par un artiste lui- même noir, ce qui ne se produit guère avant la fin des années 20, dans le contexte de la Renaissance de Harlem. En effet, si la notion de modèle, nécessairement rapportée à son corrélat, la notion d’artiste, enveloppe toujours une dissymétrie constitutive – recouvrant des relations telles que passif/actif, créature/ créateur, etc. – bien connue des études de genre et de l’histoire féministe de l’art, qui ont mis en évidence depuis longtemps son lien avec les normes phallocratiques hétérosexuelles de la société, s’agissant du modèle noir, cette dissymétrie se trouve portée à un paroxysme par la violence des dominations « racisées » : esclavagisme, colonialisme, apartheid. Car c’est un fait : il y a eu assez peu – trop peu – de femmes peintres reconnues, mais il y en a eu, et elles ont pris comme modèles des femmes ou des hommes. Il n’y a pas eu, avant le premier tiers du XXesiècle, de peintre noir dont la mémoire historique nous soit parvenue. Autrement dit, les noirs n’ont été que modèles, et l’ont été rarement : double relégation. Et, que l’artiste ait porté sur son modèle noir un regard bienveillant, respectueux, admiratif même, ou au contraire méprisant, n’y change fondamentalement rien : les noirs se trouvaient assujettis à un art nolens volens solidaire d’une superstructure – ce que Marx nomme l’idéologie – raciste.