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Soukaïna Joual : montrez ce sexe que je ne saurais voir

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Dans ses derniers travaux, l’artiste pluridisciplinaire invite à se départir des préjugés liés à la perception du corps féminin.

Tout commence avec la découverte du livre d’art de John Berger Ways of seeing : Soukaïna Joual constate avec stupeur que des reproductions de tableaux de la Renaissance représentant le corps féminin ont été en partie masquées par des pastilles apposées par les douanes qataries. « La société arabe contemporaine a encore une perception négative du corps, même si l’étude du corps humain pour la recherche scientifique reste tout à fait acceptable depuis des siècles », commente l’artiste, qui mène depuis 2017 les projets Awrah et Adam et Ève.

Elle y revisite notamment, à travers le format de la miniature, le mythe de la Genèse, dont elle isole les principaux motifs dans une volonté farouche de déconstruction des préjugés qui n’est pas sans rappeler le regard iconoclaste de Faouzi Laatiris, qui fut son professeur aux Beaux-Arts de Tétouan.

Soukaïna Joual, Em/body/lies, 24 x 32cm. Courtesy de l’artiste.

C’est lors d’une résidence au Mass Alexandria en Égypte, en 2019, que prend corps son projet Em/body/lies, dans lequel elle approfondit les contradictions qui caractérisent certaines sociétés arabes. « Je crois que mon travail est extrêmement contextuel, explique-t-elle, car je laisse chaque environnement, chaque personne et chaque lieu informer le processus de mon travail. »

Dans le quartier ultra-conservateur où elle réside alors, Soukaïna découvre des magasins de lingerie érotique vendant de l’huile de massage comestible, des anneaux vibrants, des menottes et autres parfums aphrodisiaques à destination des couples mariés. Elle convoque alors le dessin et la peinture pour essayer de traduire, à travers de savants effets de superposition des corps féminins, l’ambivalence du regard que l’on continue de porter sur la nudité féminine.

Ses œuvres sur papier se distinguent par un savant mélange d’érotisme et de pudeur des plus troublants. C’est à la suite de ce séjour en Égypte qu’elle participe à la création du collectif KOH, plateforme d’échange et de soutien aux artistes émergents qui ambitionne de créer un discours critique qui fait cruellement défaut sous nos cieux.

Olivier Rachet

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