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Tanger, laboratoire pour l’art contemporain ?

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Depuis plusieurs années, Tanger accueille une scène culturelle dynamique qui prend des risques. Certaines initiatives locales, comme le festival Youmein, tentent de nouveaux formats d’exposition propices à révéler des artistes encore éloignés des circuits institutionnels.

Festival photo “Face à la mer”, plateforme culturelle Think Tanger, nouveau musée d’art contemporain Al Kasbah,…  L’offre culturelle à Tanger s’est, depuis plusieurs années, largement étoffée. Parmi ces rendez-vous, le festival Youmein. Créé en 2015 à l’initiative du docteur en anthropologie palestino-américain A. George Bajalia, du producteur new-yorkais Tom Casserly et du programmateur culturel tangérois Zakaria Alilech, ce festival pluridisciplinaire investit chaque année un lieu dans la ville et produit, pendant 48 heures, des œuvres in situ sur un thème imposé : les limbes en 2015, la crise ou l’imitation les années suivantes.

Pour l’édition 2022, George Bajalia, Tom Casserly et Zakaria Alilech avaient choisi le thème de la rumeur et questionné la notion de vérité à l’heure des réseaux sociaux et de la désinformation. Il s’agissait pour les artistes invités de passer outre la vision manichéenne du vrai ou du faux et d’explorer les modes de transmission d’une rumeur ainsi que les émotions qu’elle peut susciter, entre espoir, peur et stigmatisation.

©Youmein

Sept ans après le lancement de la première édition, Youmein n’a rien perdu de son panache mais a gagné en maturité. Fin juillet, il rassemblait près de 200 personnes. L’objectif des organisateurs n’est pourtant pas de grossir en volume, mais plutôt de servir de porte d’entrée dans le monde culturel à une jeunesse qui se sent encore souvent exclue des espaces institutionnels, peut-être trop formels et hermétiques. Si le festival accueille aussi des artistes internationaux, la communauté de Youmein s’est constituée de manière organique et est essentiellement portée par de jeunes tangérois.es entre 18 et 25 ans et par des étudiant.e.s ou diplômé.e.s des Beaux-Arts de Tétouan.

Que ça soit du côté du public ou des artistes, le festival réussit à créer une véritable émulation endogène, qui part de Tanger et de sa scène locale pour créer des collaborations avec d’autres acteurs culturels marocains. En 2021, Le 18 à Marrakech avait ainsi accueilli une rétrospective de Youmein, plus tard exposée à Tanger dans le cadre du festival Shubbak. Cette année, un film de Arjuna Neuman et Denise Ferreira Da Silva était projeté à la Fondation Dar Bellarj à Marrakech grâce au coup de pouce du collectif QANAT.

©Youmein

Un tremplin

Si le format de Youmein, totalement éphémère, trouve un écho auprès d’une jeune génération biberonnée aux contenus instantanés, les organisateurs s’intéressent plus au processus qu’au résultat final. Pour Tom Casserly, il s’agit avant tout de « trouver le meilleur moyen de rendre l’expérience la plus gratifiante possible ». Parmi les défis inhérents à ce format, on compte l’occupation du lieu qui évolue au fil des 48 heures et du travail des artistes. Cette année, c’est l’association Darna qui a accueilli Youmein, un espace plein de caractère mais aussi de contraintes tant en termes de lumière que de distribution des salles. « Collaboratifs et en transition », c’est ainsi que les organisateurs définissent les lieux qu’ils ont choisi d’investir au fil des années, comme le Border Independent Art Center ou Dabatek lors des précédentes éditions.

Les collaborations entre artistes forment aussi l’ADN du festival qui sert souvent de tremplin. Les plasticiens ont l’opportunité de nourrir leur réflexion autour de projections et tables rondes, et repartent propriétaires des œuvres créées. Nina Cholet et Clothilde Matta avaient, par exemple, produit le film ELLES en 2019, qui s’est transformé par la suite en projet itinérant, avec une présentation à Rome en 2021 puis à Kyoto en 2022.

À rebours des pratiques institutionnelles, le format hybride de Youmein –  entre festival et résidence artistique intensive – permet une grande liberté pour « travailler au-delà des frontières et des limites imposées par les disciplines, les géographies, ou encore par les cultures ». Les organisateurs n’entendent d’ailleurs pas, pour le moment, enfermer leur festival dans un statut quelconque pour ne pas limiter les possibilités ou figer sa mission.

Chama Tahiri

©Youmein
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