BIENNALE MARRAKECH JOUR 5 et 6 – DANS LA MEDINA, LA DELICATESSE A L’ETAT PUR

Le plafond en bois sculpté de la douiria du Derb El Hammam. Copyright Maison de la Photographie, Marrakech

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Que peux-t-on visiter d'autres dans les offs de la Biennale ce weekend ? Si vous flânez dans la médina, après le Riad Denise Masson et Dar Bellarj, faites un tour à la Douiria du Derb El Hammam, où la splendeur visuelle de ce joyau d'architecture traditionnelle dialogue avec les installations de la japonaise Megumi Matsubara, délicate interprétation de la beauté chez des enfants non-voyants.

 

Marie Moignard

 

 

 

Elle sommeillait au creux du Derb El Hammam Ad-Dahab (rue du Bain d’Or), au détour d’une ruelle du quartier Mouassine, non loin de la mosquée du même nom. C’est Patrick Manac’h, fon- dateur et directeur de la Maison de la Photographie de Marrakech accompagné de son acolyte Hamid Mergani, qui l’a retrouvée. Ce passionné d’Histoire et dénicheur de pépites a eu une nouvelle fois le nez creux. En cherchant un appartement privé, il est tombé par un heureux destin sur cette magnifique douiria (apparte-ment de réception) typique de la médina de Marrakech, datant du XVIIIe siècle. Grâce au concours du mécène Hugo van Tilborg et de quelques amis, il acquiert les lieux il y a dix-huit mois pour commencer une aventure dont il ne soupçonnait ni l’ampleur ni la beauté.

 

 

RÉACTIVER LES PRATIQUES ANCESTRALES

 

Pour y accéder, on pénètre déjà dans l’Histoire : dans l’ancien quartier juif, il faut longer la mosquée Mouassine après être passé sous une arcade où était perchée l’alcôve d’Ahmed Baba, grand philosophe du XVIe siècle.

Au bout d’une ruelle en coudée, la maison allait bientôt livrer ses trésors. La façade couverte de ciment dissimulait un appa- reillage de brique en terre de Tameslot, reprise selon les modes de construction de l’époque. Pour reproduire le parement de plâtre rose qui le recouvre, Patrick Manac’h a fait rouvrir un filon de gypse dans l’Atlas et reconstruire un four traditionnel. C’est bien là l’une des particularités de cette restauration : en sus de la découverte d’une architecture et de décors anciens, sa restauration a donné lieu à la réactivation de tout un patrimoine artisanal jusque là délaissé, faute de chantier réalisé dans les règles de l’art.

Comment ces trésors ont-ils pu être pré- servés quasiment intacts des outrages du temps ? C’est aux Marrakchis de souche que l’on doit ce miracle. Occupée depuis 1954 par une famille marocaine, la maison n’a que très peu été remise en état depuis.

 

 

MI-BERBÈRE, MI-FASSIE

 

Lorsqu’on gravit l’escalier de zellige libéré de son ciment, on pénètre dans le cœur de la douiria : une pièce centrale de réception à deux alcôves distribuant trois chambres destinées au repos ou à l’agrément. Sous les couches successives de peinture et de plâtre, dépoussiérées à la brosse à dents, est apparue une dentelle de stuc dotée d’un impressionnant décor peint. Il est de type arabe principalement, certainement réalisé par un artisan fassi. Des motifs de grenades et d’amandes rythment le dessus des portes, tandis que le long de la pièce centrale court une épigraphie religieuse en écriture cursive dont la géométrie se fond au décor. « Que la santé soit sur vous qui rendez gloire à l’Éternel », répète-elle sans fin. L’éternité, c’est bien ce que les maâlems et jeunes apprentis sollicités sur ce chantier ont tenté d’atteindre : les couleurs explosent, comme si elles venaient d’être fraîchement peintes, la profusion de stuc ciselé donne le vertige… Cet espace de quelques mètres carrés semble contenir le monde.

 

 

(…) Retrouvez l'intégralité de cet article dans DIPTYK 22, en kiosque. 

 

 

« Le rêve aveugle », Megumi Matsubara, du 1er au 31 mars 2014.

Douiria Derb El Hammam

Médina, Marrakech

www.douiria.com 

Chourouk Hriech, Dessins collection FMAC Paris 2009-2012 © Chourouk Hriech
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