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Pour sa 3e édition à la Mamounia, Touria El Glaoui relève le défi de renouveler la mouture marrakechie de la foire 1-54. Bonne nouvelle, les galeries africaines dominent désormais la sélection. De quoi raviver l’intérêt des collectionneurs, que l’on attend venus d’Europe, des USA, de Corée du Sud ou encore du Sénégal. Côté portefeuille, la fourchette s’élargit avec le retour en force de la photo, permettant souvent des acquisitions accessibles, en parallèle de valeurs sûres comme Ouattara Watts, Aboudia, Abdoulaye Konaté, Hassan Hajjaj, Mounir Fatmi ou Joël Andrianomearisoa. La 1-54 est  aussi l’occasion de (re)découvrir les pionniers de l’art contemporain africain avec la présence d’Ablade Glover et Adel El Siwi, deux figures incontournables du Ghana et de l’Egypte. 

Et de trois. 1-54 revient à Marrakech pour une nouvelle édition après le succès rencontré en 2019, la foire ayant drainé 5 000 visiteurs, soit 1 000 de plus que la première année. La mécanique est maintenant bien huilée, mais les défis restent toujours présents. Si la Mamounia favorise la dimension « boutique fair », très appréciée des exposants, son espace limité réduit les possibilités d’un renouvellement par le nombre. La mou- ture marrakchie s’accroît pourtant : 20 galeries font le déplacement (contre 18 en 2019 et 17 en 2018). On y retrouve les soutiens de la première heure, comme la galerie marocaine L’Atelier 21 ou l’enseigne italienne Primo Marella.

Les galeries parisiennes comme Magnin-A ou Nathalie Obadia rempilent avec enthousiasme, bons résultats de vente à l’appui. « L’an dernier, nous avons vendu trois œuvres à des collectionneurs européens que nous ne connaissions pas, note Obadia. Nous sommes en train de conclure la vente d’un tableau de Nú Barreto à un très important musée américain dont le conservateur en chef a vu son travail sur notre stand ». Les images de Seydou Keita, dont la galeriste gère la succession, sont aussi disséminées sur les murs de la médina à l’initiative du MACAAL et de la Collection Pigozzi. Une synergie entre la foire et le tissu culturel marrakchi qui fait la marque de fabrique de la 1-54 depuis ses débuts.

Mounir Fatmi, Propaganda 02, diptyque, 2012, glycéro sur VHS, taille totale 170 x 150 cm Courtesy Galerie Goodman
DÉVELOPPER LE MARCHÉ AFRICAIN

Pour cette édition 2020, Touria El Glaoui redistribue les cartes. Jusque-là qualifiée de foire (un peu) trop calibrée par et pour les Européens, la 1-54 Mar- rakech rafraîchit sa sélection avec 10 nouvelles galeries, dont la plupart afri- caines. Sur 20 galeries participantes, 14 sont basées sur le continent, inver- sant le ratio de départ (6 galeries sur 17 en 2018). Touria El Glaoui réussit notamment à convaincre 4 enseignes sud-africaines (Afronova Gallery, Eclectica Contemporary, Goodman Gallery et WHATIFTHEWORLD) alors que les dates de 1-54 Marrakech sont concurrencées par celles de Cape Town Art fair, une semaine avant. L’année dernière, Goodman Gallery était venue en éclaireur et en militant. Leur sélection d’artistes visait à « déconstruire le fossé culturel perçu (entre nord et sud du continent, ndlr) enraciné depuis le colonialisme », indique sa directrice Liza Essers, qui se félicite d’avoir pu se « connecter davantage avec le monde de l’art basé sur le continent, pour encoura-ger le développement d’un marché basé en Afrique ». Participer à 1-54 Marrakech revient à une forme de profession de foi pour les acteurs du marché africain. Afronova Gallery, souvent présente à Londres et New York, apprécie que 1-54 fasse « émerger un discours autour de l’art contemporain africain », porté par sa programmation parallèle et son Forum.

Autre incursion d’importance, deux galeries égyptiennes viennent renforcer la présence de l’Afrique du Nord (Mashrabia Gallery of Contemporary Art et Ubuntu Art Ggallery), jusque-là uniquement représentée par le Maroc, qui pour sa part étoffe sa présence. Avec 5 enseignes dont plusieurs nouvelles venues, comme So Art Gallery et GVCC (Casablanca), les marocaines trustent un quart des stands. Certaines d’entre elles, basées à Marrakech, misent sur la foire en plus de leur programmation pour tenter de séduire doublement collectionneurs et institutions : « Si les institutions françaises et américaines achètent les œuvres des artistes que je représente, ce n’est pas (encore !) le cas des institutions du continent, voire du Maroc », explique la directrice de la galerie 127 Nathalie Locatelli, une habituée des foires internationales.

Joseph Obanubi, Angst, 2019, impression jet d’encre © Joseph Obanubi, Courtesy Galerie MAGNIN-A, Paris

Une question persiste : l’épineux régime des douanes au Maroc. Les œuvres, entrant sous régime d’importation temporaire, doivent retourner dans le pays d’expédition avant la livraison à l’acquéreur. « Ce système pénalise très fortement le développement d’un réel marché de l’art au Maroc, un marché qui soit vraiment international et qui permette à ce pays de rayonner comme il le devrait », reconnaît Touria El Glaoui, qui appelle les acteurs locaux à se mobiliser. Si les délais de réexpédi- tion des œuvres restent pour les ache- teurs un « obstacle surmontable », selon Nicole Louis-Sidney, directrice de la galerie LouiSimone Guirandou, «le coût du transport retour est peut-être une charge dont les galeries auraient préféré se passer », regrette l’enseigne ivoirienne, qui malgré cette contrariété signe sa troisième participation. Les galeries s’adaptent. Certaines ont trouvé la parade pour réduire les frais et les délais, comme Cécile Fakhoury (Abidjan, Dakar), qui expédie les œuvres depuis son showroom récemment ouvert à Paris. Idem pour Goodman Gallery, qui opère depuis son nouvel espace londonien. Les grandes gagnantes de l’équation sont les galeries marocaines, car «de nombreuses œuvres présentées à 1-54 Marrakech sont le fait d’artistes marocains ou résidant au Maroc, ce qui simplifie les choses : pour eux, il n’y a pas d’importation », note Touria El Glaoui. Ce qui explique sans doute leur nombre croissant cette année.

Par Marie Moignard et Emmanuelle Outtier

Phumzile Khanyile, Plastic Crowns, 2016, impression numérique sur chiffon de coton Courtesy Phumzile Khanyile et Afronova Gallery
Ouattara Watts, La Dama #2, 2019, technique mixte sur toile, 235 x 192 cm Courtesy Galerie Cécile Fakhoury (Abidjan, Dakar, Paris)
Carolle Benitah, Le Rêve des Amants, 2018 © Carolle Benitah Courtesy Galerie 127
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