
Pour sa dernière exposition « Éclosion mémorielle » présentée à Marrakech, l’artiste ivoirien Médéric Turay investit aussi les grands espaces de la région de l’Oukaïmeden et donne un second souffle à un univers plastique qui gagne en épure.
Conçue pendant la période d’enfermement liée au covid-19, l’exposition de Médéric Turay investit deux espaces antinomiques. Les cimaises de l’hôtel Four Seasons, à quelques pas de la flamboyante Avenue M, accueillent une série de toiles inédites dans lesquelles l’artiste déploie la virtuosité qu’on lui connaît. La technicité d’un dessin ayant gagné ses galons dans un style proche du street art le dispute à un travail sur la matière (café, acrylique, huile, feuilles d’or) qui frôle une abstraction lyrique plutôt séduisante. Des figures de mouton qui se détachent sur des fonds rappelant les peintures rupestres font signe déjà vers le second volet de l’exposition qui se déroule à l’Oukaïmeden, en plein air, près de grottes ancestrales. Là où des moutons bien réels se verront tatouer une carte de l’Afrique sur leur toison ; geste que l’on pourrait qualifier de dadaïste.
Land art minimaliste
« L’artiste, c’est la liberté ultime », confie Médéric Turay dont le mot d’ordre « Résister & Exister » se veut l’un des fils conducteurs du parcours à l’Oukaïmeden. Curatée par Hafida Jemni Di Folco, l’exposition qui s’étale sur un hectare de terrain, épouse les contraintes du land art avec une certaine réussite. De simples formes pyramidales en bambou, accompagnées de monticules de pierres, sont recouvertes de couleurs flashy et se fondent dans un paysage époustouflant de beauté, sans l’écraser. Un ensemble de sept installations conçues à partir de laine, de métal ou sacs remplis de sable donnent vie à l’univers déjà haut en couleurs du peintre, mais invite surtout à la méditation. D’autres récits semblent pouvoir émerger de ces propositions minimalistes comme si chaque œuvre donnait accès à un fragment d’histoire à poursuivre dans l’imaginaire de chacun, à l’instar de cette installation lacustre recréant à partir de bambous un radeau de fortune sur lequel trônent des têtes métalliques, évoquant subtilement le drame des migrations. Comme le titre de l’exposition le suggère, la mémoire des lieux est invitée ici à éclore. En attendant que les prochaines neiges ne viennent peut-être ensevelir ces propositions éphémères…
Olivier Rachet