À Casablanca , Fatime-Zahra Morjani dévoile la poésie de la Nature

En résidence à Casablanca, l’artiste plasticienne Fatime-Zahra Morjani investit l’espace de Dar El Kitab et présente « Fibris Interstis » : un projet d’exposition sensible et évolutif, témoin de ses préoccupations écologiques.

Au commencement, il y avait la plante. Sauvage, foisonnante de vie, à l’image des chardons géants de Fatime-Zahra Morjani, dessinés à même le mur de Dar El Kitab. Comme un hymne à cette nature indomptée, l’exposition « Fibris Interstis » ouvre sur un corpus d’images poétiques, faisant la part belle au dessin et témoignant des préoccupations écologiques de l’artiste. Sa sensibilité graphique n’a alors d’égale que la vitalité et la douceur de son trait : évocation d’une contemplation naturaliste surannée.

Mais la candeur esthétique de cet art floral n’est que façade. Se joue en filigrane une dénonciation du pouvoir destructeur de l’Homme face à son environnement. « Parce que nous avons perdu toute relation d’immédiateté avec la nature, nous avons besoin de la médiation supplémentaire de l’art pour restaurer l’unité que nous formions avec elle.» Ces mots de l’artiste néerlandais minimaliste, Herman de Vries, clôturent l’étude botanique que constituent les œuvres préliminaires de l’exposition.

Des citations parsèment le parcours de cette exposition, comme autant de mantras silencieux. L’une d’elle, plus énigmatique, trône tel un poème ancien. « Chaque vallée que nous traversons et dans laquelle nous versons une larme s’érige en civilisation.» Un vers soufflé au cœur de la nuit par une muse mystérieuse. « Nous avons cherché l’origine de cette phrase en vain : aucune trace de cet écrit, qui m’a sorti de mon sommeil », avoue Fatime-Zahra Morjani, amusée des méandres de l’esprit. Elle résume pourtant l’essence de ce projet, qui met en lumière la genèse de sa pratique artistique qui explore les questions environnementales et la condition humaine. Elle aborde également « de manière allégorique les réalités complexes du monde contemporain » qui se repose sur sa biosphère et fait preuve d’amnésie.

Les structures architecturales au coeur du vivant

Pour la plasticienne, les réflexions opérées dans le cadre de ce projet « In progress » ont indiscutablement des vertus thérapeutiques. Grâce au précieux concours de la curatrice Kenza Amrouk, Fatime-Zahra Morjani s’est prise au jeu de l’excavation, dénichant d’anciennes esquisses, les associant à des œuvres plus récentes et des créations in situ pour « prendre ainsi conscience de ce qui lie sa pratique.» Un véritable travail de maïeutique et une investigation intime.

Celle qui est habituellement guidée par son « intuition » et agit par « à-coups », réalise combien ses œuvres sont connectées, combien elles entrent toutes en résonance. La plante virginale ou, dans sa version substantifique, le tissage, les trames et tissus urbains, la cartographie élémentaire… Des lignes verticales et horizontales, des entrelacs simples et puissants dessinent des horizons et dévoilent « les structures architecturales » enfouies au cœur même du vivant. En ranimant la fibre végétale, « son matériau signature », à travers des cyanotypes noirs et ocres expérimentaux, la plasticienne explore la texture du sensible et montre l’universalité du paysage.

Au commencement, il y avait la plante, puis surviennent les villes, qui tentent dans un élan inconscient de reproduire la beauté et la subtilité de son maillage. Comme un rappel sensible de ce que nos civilisations doivent à la nature…

Houda Outarahout

Fatime-Zahra Morjani , « Fibris Interstis », Dar el Kitab, Casablanca – jusqu’au 21 octobre 2021

Une partie des bénéfices de la vente des oeuvres sera reversée à la Fondation Jood, venant en aide aux sinistrés du séisme qui a frappé le Maroc, le 8 septembre 2023.