À quoi ressemble ce monde qui brûle, esquissé au fil de l’exposition ?
Pour donner le ton, l’exposition s’ouvre par la sculpture Huriya, « liberté » en arabe, de Mustapha Akrim. Elle fait écho à l’installation We the People de Danh Vo, qui dissémine des fragments de ce qu’on devine être la Statue de la Liberté. Le parcours a été pensé en trois sections pour sensibiliser aux enjeux environnementaux, dénoncer les injustices sociales qui gangrènent nos sociétés et ouvrir sur des histoires alternatives. Dans la Galerie Wilson, on retrouve par exemple la série Our House is on Fire de Shirin Neshat, qui portraiture des femmes et des hommes ayant perdu des proches pendant la révolution égyptienne de 2011. Plus loin, l’œuvre Alive, with Cerussite and Peppered Moth (2017) du Raqs Media Collective parle de l’évolution de la vie et de la capacité d’adaptation des êtres vivants, en prenant l’exemple d’une espèce de papillon de nuit qui a changé de couleur pour s’adapter aux nouveaux paradigmes écologiques de la région minière de Manchester.
Une des particularités de « Notre monde brûle » est qu’une partie des œuvres provient de la collection du Mathaf, dont vous êtes le directeur depuis 2013…
J’ai personnellement une longue relation avec le Palais de Tokyo. J’ai eu la chance de faire partie en 2012 de l’équipe de la triennale « Intense proximité » avec Okwui Enwezor. Ce fut un moment important pour la scène artistique à Paris, mais aussi l’occasion d’amplifier la visibilité d’artistes et d’œuvres qui revendiquent un propos transnational. Le Palais de Tokyo est un lieu parfait pour cela et c’est dans cet esprit que je vois aujourd’hui le Mathaf présenter des œuvres qui résistent à l’idée de frontières. La ligne curatoriale que j’ai choisi de suivre prend les œuvres comme repères, au-delà de toute considération de nation, de genre ou de médium.
Il se trouve aussi que la collection moderne et contemporaine du Mathaf contient beaucoup d’œuvres très politiques. Je pense au portrait de la féministe égyptienne Ceza Nabarawi peint par Inji Efflatoun ou à The Invisible Enemy Should not Exist de Michael Rakowitz. Elles sont politiques car elles ont été produites en réponse aux contextes des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient, marqués par des tensions entre d’un côté des régimes souvent totalitaires et corrompus par des intérêts économiques et idéologiques et, de l’autre, des citoyens qui aspirent à plus de justice et de dignité.