20 oeuvres majeures de Belkahia à découvrir à Marrakech

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Fidèle à sa volonté d’animer la vie culturelle marrakchie, la mécène Elisabeth Bauchet-Bouhlal réunit un ensemble d’œuvres majeures de Farid Belkahia au Es Saadi Marrakech Resort. Une exposition du maître de l’école de Casa comme on a rarement l’occasion d’en voir. À partir du 12 octobre.

Avec une vingtaine d’œuvres de différentes périodes, c’est une rétrospective à échelle réduite que propose Es Saadi Marrakech Resort. « Un cheminement personnel le long de la vie sans concession d’un artiste moderne qui a réussi à faire connaître et rayonner l’art du Maroc dans les plus beaux musées et dans les plus prestigieuses collections du monde », écrit Elisabeth Bauchet-Bouhlal, directrice du resort, dans la préface du catalogue.

Arrivé à Prague en 1959, Farid Belkahia inaugure un cycle expressionniste dans le giron de condition humaine. Marqué par la visite d’Auschwitz quelques années plus tôt, ainsi que par les excès d’un communisme qu’il découvre en Tchécoslovaquie, il peint alors la violence négatrice des idéologies et leurs bifurcations mortifères, en recourant à un langage figuratif parfois extrêmement simplifié, d’une communication immédiate.

Si Personnage, une œuvre de 1962, instaure la centralité de la figure humaine – un visage à la carnation verdâtre, aux yeux écarquillés et aux traits accentués, qui occupe une importante partie de la toile –, Composition, une peinture de la même période, concourt à son effacement : trois personnages élongés, évidés, dont les traits sont à peine suggérés par des formes géométriques, occupent le devant de la scène.

Farid Belkahia, Personnage, 1962, huile sur panneau, 76 x 65 cm.

Au corps-à-corps avec la matière

À son retour au Maroc en 1962, Farid Belkahia prend la direction de l’École des Beaux-Arts de Casablanca. Il s’implique pour la rénovation du cursus pédagogique, s’attelle à raccorder modernité artistique et expressions vernaculaires, et s’entoure d’un groupe d’artistes dont le noyau dur formera le Groupe de Casablanca. Façonné par cette expérience, Belkahia s’oriente peu à peu vers une rupture avec l’art occidental. Dès 1963, il abandonne la peinture de chevalet et, partant, la vision picturale académique pour se rapprocher du geste des artisans.

À la toile va dans un premier temps se substituer le cuivre ; métal âpre et
malléable auquel il livrera un long corps-à-corps, jusqu’en 1974. Plusieurs œuvres exposées à l’hôtel Es Saadi sont nées de cette intense phase de recherche. Tête, un cuivre de 1963, porte encore les stigmates de ses figures de Prague : un visage décharné, oblong, aux traits martelés. Des cuivres plus tardifs donnent à voir l’évolution de son langage pictural, en
phase avec les enseignements de l’École de Casablanca.

À partir de 1974, l’artiste adopte la peau crue, dont la composition biologique édicte de nombreuses contraintes d’exécution et de choix chromatiques. Il privilégie alors les colorants naturels tels que le henné, le safran et l’écorce de grenade, ainsi que les teintures minérales. Se fait peu à peu place dans son œuvre tout un inventaire de symboles, de pictogrammes et de signes graphiques amazighes, arabes, africains, sahariens, islamiques, ainsi qu’un glossaire de formes géométriques universelles ou inspirées des arts et de la pratique ornementale traditionnels.

Les thèmes se font plus vernaculaires, et à ce titre porteurs d’un postulat d’universalité. Et, s’il se montre soucieux de la préservation de la culture et de la tradition, Farid Belkahia pense cependant que recoudre la trame de l’histoire ne vise pas à ériger le passé en instance d’immobilité. La tradition est considérée comme interface d’enracinement et de projection, génératrice d’apport pour le présent et l’avenir. Elle est envisagée comme « futur de l’homme ». « Seul notre passé est à même de nous permettre l’accès à la modernité. Je ne connais pas de modernité anhistorique », dit-il.

Farid Belkahia, Transe, 1986, Pigments sur peau, 133 x 208 cm.

Formes de la transe

L’exposition présente plusieurs œuvres des séries sur peau, dont celle dédiée à la transe, caractérisée par une géométrisation du mouvement et de la sonorité. Une recherche très manifeste dans Couleurs De La Transe (1988) à travers la séparation de la forme et de la couleur : les tons colorés du drapé du rituel sont appliqués en grille, dans une partition d’aplats jaunes, rouges, noirs, blancs, verts, comme une suggestion rythmique; l’usage de la flèche, symbole cardinal, dessinant dans son méandre dissymétrique des formes, et empoignant au vol ce qui s’apparente à des silhouettes humaines, ou alors, dans un chromatisme dominé par les blancs, les noirs et les ocres, un ruban dont le serpentement presque germinal court vers quelque fécondation (Transe, 1986).

La dérive des continents (2004), elle, donne à voir une géographie tout inventée par l’artiste en réponse aux crise politiques de ce début de millénaire ; continents imaginaires, réorganisation de l’espace, « mémoire d’une planète lacérée par les invasions coloniales et les impérialismes, par les conflits, sanglants, au nom des religions et de la légitimité des origines », écrit Rajae Benchemsi, écrivaine, ancienne professeure à l’École normale supérieure de Marrakech et veuve de l’artiste.

Un autre pan parfois négligé de son œuvre figure au parcours de l’exposition. Considérant que « le dessin est à la peinture ce que le mot est à la poésie », Farid Belkahia « ne rompra jamais ni avec le dessin et l’aquarelle, ni avec le papier. Le dessin est à la base de tout son travail et servira, systématiquement, à réaliser les esquisses préalables à toute œuvre. Tout travail, même monumental, il le pense en miniature, à partir d’une esquisse en couleur et sur papier », note la veuve de l’artiste. Plusieurs travaux graphiques sont également mis à l’honneur, dont ceux de la série Aube, réalisés pour accompagner un recueil du poète Mostafa Nissaboury. Si elle a connu de multiples métamorphoses, l’œuvre de Belkahia reste invariablement traversée par la même préoccupation centrale : celle de l’individu.

Reda Zaireg

« Farid Belkahia à l’épreuve du temps », Es-Saâdi Marrakech Resort, à partir du 12 octobre 2023.

Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Farid Belkahia, Composition, 1973, technique mixte sur papier, 65 x 65 cm.
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Farid Belkahia, Marrakech, 1988, pigments sur peau, 75 x 50 cm.
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort
Courtesy Es Saadi Marrakech Resort

1 Comment

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