L’artiste américain présente, au Musée du Quai Branly, douze portraits de leaders africains. Une volonté de questionner la représentation du pouvoir dans la peinture qui soulève pourtant des interrogations.
« Est-il possible d’employer le vocabulaire de la représentation impériale en peinture dans un contexte africain et ainsi parvenir à quelque chose de complètement nouveau ? » À la question que se posait Kehinde Wiley en 2012, lorsqu’il a commencé le projet confidentiel qu’il révèle enfin au musée du Quai Branly, la série de portraits de représentants du pouvoir de douze pays d’Afrique espère répondre que oui.
Au fur et à mesure des cimaises noires qui forment le parcours labyrinthique de l’exposition « Dédale du pouvoir » se dévoilent des figures en tenue d’apparat, en pied, assises ou même à cheval, qui semblent s’inscrire dans la longue tradition occidentale du « portrait officiel » née à la Renaissance en Occident. À ce détail près que ce sont cette fois dix présidents et une présidente, passés ou actuels, du continent africain qui sont ici peints à l’huile.
L’artiste que l’on connaissait pour ses figures noires anonymes sur fonds fleuris ou ses portraits d’artistes renommés de la série Trickster s’aventure cette fois dans les méandres des palais présidentiels et entend montrer « avec neutralité », dit-il dans un entretien avec la commissaire d’exposition Sarah Ligner, « le pouvoir et les façons dont il peut être séduisant et étendu ». Aux chefs d’état qu’il est allé rencontrer au gré de « relations fortuites », il a présenté un panorama de représentations impériales tirées de l’histoire de l’art occidentale, dans lequel les dignitaires ont pu choisir la manière dont ils voulaient se faire représenter.
« Le vocabulaire de la représentation impériale en peinture dans un contexte africain » peut-il effacer les polémiques et les contestations autour de certaines des figures qui composent cette galerie inédite ? Kehinde Wiley affirme n’avoir soumis ses sujets à aucun « test de moralité » et décide de faire primer l’art de la peinture sur toute question éthique. Rappelant les codes traditionnels de figuration du pouvoir pour mieux interroger ses héritages en en proposant de nouvelles hybridations, Kehinde Wiley mélange avec malice les références artistiques et les strates historiques et géographiques.
Les regards fiers et les postures majestueuses des sujets sont parfois associés à de discrets détails agencés dans les arrière-plans des gigantesques toiles : un livre sur lequel on peut lire, en allemand « Karte Von Rwanda » à la gauche du président Paul Kagame – en poste depuis presque trente ans – un service à café aux côtés de Sahle-Work Zewde, présidente d’une Éthiopie parmi les premiers exportateurs mondiaux de la ressource… Complaisance ou critique dissimulée du pouvoir ? L’exposition laisse planer un doute profond, que l’artiste africain-américain laisse aux spectateurs le loisir de trancher.
Horya Makhlouf
Kehinde Wiley, Dédale du pouvoir, Musée du quai Branly – Jacques-Chirac – En partenariat avec la Galerie Templon, jusqu’au 14 janvier 2024.
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