À Rabat, un poète au musée

Acrylique sur papier. Signée et datée en bas à droite (2019), contresignée et datée au dos. 59 x 42 cm.

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L’exposition « Un poète passe » revient sur le rôle fondateur du poète Abdellatif Laâbi, ami des peintres et passionné de peinture.

Le poète Abdellatif Laâbi n’a eu de cesse de collaborer avec les artistes de son temps. Membre fondateur de la revue Souffles, créée en 1966 aux côtés de Mostafa Nissabouri, Mohammed Khaïr-Eddine, Farid Belkahia, Mohammed Chabaâ et Mohamed Melehi, il participe à la révolution en cours faisant entrer le Maroc dans la modernité artistique, tout en défendant corps et âme les libertés. « L’expérience de la revue Souffles, rappelle-t-il, a permis de répondre aux besoins de l’époque, à savoir comment décoloniser les esprits. » Cette expérience que mènent tambour battant les artistes de l’École de Casablanca, qui redécouvrent la dimension avant-gardiste de la culture populaire marocaine, les poètes la prolongent en réfléchissant sur la façon « d’inscrire la tradition orale dans une démarche de modernité ». Une démarche dans la lignée des poètes de la Beat Generation qui, une décennie auparavant, avaient « changé le patrimoine poétique d’alors », ajoute l’auteur de La Terre est une orange amère ou Le spleen de Casablanca.

Vue d'exposition

Un poète-peintre

L’exposition « Un poète passe » que présente aujourd’hui le Musée d’art moderne et contemporain Mohammed VI revient, à travers de nombreux documents et d’œuvres inédites sur ce dialogue permanent qui rapprochait alors l’ensemble des artistes. En témoignent de superbes livres d’artistes et livres-leporellos (livres qui se déplient tel un soufflet justement) réalisés en compagnie de Kacimi, de Kamal Boullata ou d’Etel Adnan. Hommage est rendu, dès l’entrée de l’exposition, aux maquettes de Souffles conçues par Melehi. Sur l’une d’elles, apparaît cette citation intemporelle : « L’artiste n’est pas en avance sur son époque, comme on se plaît à le répéter, c’est la société qui est en retard. »

De la collaboration du poète avec les artistes naît une passion pour la peinture qui devient une activité à part entière pour celui-ci. Rarement montrées, les œuvres de Abdellatif Laâbi, acryliques ou gouaches sur toiles, sont animées d’un souffle cosmique qui rappelle davantage le geste calligraphique que l’abstraction géométrique chère à ses compagnons de route de l’École de Casablanca. Parfois des figures que l’on imagine féminines semblent se révéler entre les traits, comme un lointain souvenir de la volatilité des signes qui caractérise un pan tout entier de la peinture d’un Kacimi. Le poète-peintre qu’est Laâbi reste porté par une impulsion vitale qui le transcende ; le souffle de la vie probablement.

Olivier Rachet

Exposition « Un poète passe » de Abdellatif Laâbi, Musée d’art moderne et contemporain Mohammed VI, Rabat

Acrylique sur carton. Signée et datée (2015) en bas à droite. 72 x 59 cm.
Vue d'exposition
Acrylique sur papier. Signée et datée en bas à droite (2019), contresignée et datée au dos. 59 x 42 cm.
Acrylique sur papier. Signée et datée (2019) en bas à droite, contresignée et datée au dos. 59 x 42 cm