Aymane Errachidi, souvenirs en germe du pays natal

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L’artiste originaire de Laâyoune nous reçoit dans son atelier de Tétouan, dans lequel des œuvres composées à partir de graines de lin suggèrent avec subtilité le déracinement. 

C’est par un après-midi hivernal qu’Aymane Errachidi nous ouvre les portes de son atelier de Tétouan, pourtant « toujours baigné par le soleil », assure ce jeune homme originaire de Laâyoune. « C’est un espace de liberté qui se nourrit de toutes les rencontres que je fais », ajoute-t-il. Habituellement seul, il propose ce jour-là un Open studio en compagnie de deux lauréates comme lui de l’INBA, Safae El Kadi et Oumayma Abouzid Souali. Pour l’occasion, sa chambre se transforme en espace d’exposition où se trouvent différentes œuvres composées à partir de graines de lin.

Des œuvres murales sur papier coton, dans lesquelles les graines sont collées par une matière gélatineuse les empêchant de germer, côtoient une étrange installation textile allongée sur le lit de l’artiste, dont la silhouette évoque le tracé d’une scène de crime. Ce dernier y a disséminé des milliers de graines de lin qui, en germant, ont donné consistance à ce corps. « L’inspiration est venue de ma mère, précise Aymane Errachidi qui assimile ce travail à un autoportrait. Elle utilise les graines de lin dans la cuisine et en habille aussi des vases en terre cuite qui deviennent alors comme des potagers sculpturaux. » 

Vue de l'atelier de l'artiste.

Aussi métaphoriques que les grains de sable que l’artiste sculpte dans la résine ou dont il affuble, de façon disproportionnée, les visages des personnages qu’il dessine, ces graines de lin renvoient ici au sentiment d’exil. Elles parlent du déracinement ressenti par un jeune homme ayant quitté son sud natal pour un nord qui lui est encore inconnu. « Le changement a été brutal, confie-t-il, lorsque j’ai voyagé du sud vers cet environnement verdâtre du nord. » Mais cet autoportrait sous forme de gisant végétal, déjà en train de se dessécher, en dit long aussi sur la précarité d’une génération pour laquelle l’idéal de la vie d’artiste semble avoir pris du plomb dans l’aile.

Tout juste rentré d’un voyage au pays natal, Aymane Errachidi rapporte dans ses bagages de somptueux dessins au fusain dans lesquels il s’attache à représenter ses compatriotes du sud marocain, à travers un travail minutieux sur les drapés rappelant le caractère ondulatoire des dunes. Aux visages sont toujours substitués des excroissances de grains de sable, comme si la nostalgie était plus forte que tout.

Olivier Rachet

Aymane Errachidi, Guedras, 130 x 130, dessin sur papier, 2023.
Vue de l'atelier de l'artiste.