Mariam Abouzid Souali: La peinture comme un jeu d’enfant

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Particulièrement remarquée pendant la 1-54 Marrakech, Mariam Abouzid Souali fait figure d’ovni parmi sa génération. Travailleuse et érudite, cette doctorante en histoire de l’art n’hésite pas à se frotter aux grands maîtres. Portrait d’une jeune artiste bientôt trentenaire qui explore l’univers onirique de l’enfance.

Seule devant l’immense toile que sa blancheur défend, telle l’al- piniste au pied du glacier. Dans son atelier de Marrakech mis à disposition par sa galerie, la silhouette de la jeune artiste semble frêle devant l’immense écran blanc de 7 mètres sur 5, les dimen- sions exactes du Radeau de la Méduse, le chef-d’œuvre de Géri- cault. Mariam Abouzid Souali a le sourire désarmant des auda- cieuses. Je la rencontre à la veille de son grand défi, se mesurer au chef-d’œuvre démesuré du Louvre, un sommet de la peinture d’histoire. Peu nombreux sont les artistes d’aujourd’hui qui s’y essayent. Orchestrer une vaste composition, mettre en mou- vement sur la toile une foule de personnages, peindre la peti- tesse de l’homme face à son destin, c’était le propre de la pein- ture d’histoire, le « grand genre » réservé aux grands maîtres : de Rubens à Géricault. Mariam, l’enfant du Rif, la surdouée de Tétouan, a cette audace. Elle s’y prépare de longue date.

La petite fille de Targuist a grandi à Rabat sans jamais oublier les jeux de l’enfance au Rif : des enfants silencieux, rarement rieurs, absorbés par leur très sérieuse partie de saute-mouton (semsebbout) ou de cache-cache (khbbayaa), surgissent dans ses dessins et sa peinture depuis ses années aux Beaux-Arts de Tétouan. « L’art, c’est un jeu pour moi », explique-t-elle. Dessi- ner donc, comme une manière de conserver dans son rapport au monde l’innocence de l’enfance.

UNE GÉOGRAPHIE INTIME

Invitée à la Biennale des jeunes artistes de la Méditerranée à Tirana en 2016, elle réalise une fresque murale in situ au Musée national d’Albanie, vaste plan urbain à l’échelle de l’atrium sur lequel les minuscules silhouettes noires d’enfants joueurs ponctuent la carte comme autant de pictogrammes d’une géo- graphie intime. Sortir du cadre, changer de format, quitter la feuille de papier pour envahir les murs de ses dessins sont déjà des tentations. Sa première exposition du printemps 2017 à la Galerie Comptoir des Mines de Marrakech, « Héros / Anti-hé- ros » donne à voir, dans une série de dessins virtuoses, l’énigme de ces enfants qui envahissent littéralement le paysage urbain de leurs jeux dont les règles strictes et mystérieuses semblent parodier l’absurdité du monde des adultes. L’enfant amoureux de cartes et d’estampes saute ici à cloche-pied les frontières cartographiées ou bondit par-dessus les mers, comme dans cette fresque pérennisée aux murs de sa galerie (…)

Retrouvez l’intégralité de l’article dans le numéro #46 actuellement en kiosque.