Père de l’art brut, Jean Dubuffet se sera toute sa vie intéressé aux cultures extra-occidentales, exhortant à décloisonner les savoirs. Aujourd’hui, le MUCEM dévoile sur son site une visite virtuelle de la rétrospective qu’il lui consacrait l’an dernier – « Jean Dubuffet, un barbare en Europe » (24 avril – 2 septembre 2019).
Une occasion de partager un florilège des belles fulgurances de cet artiste qui n’a eu de cesse de remettre en question le système de valeurs dominant pour créer une poétique du décentrement du regard et des certitudes. Apprendre à regarder les choses plusieurs fois… de biais, surtout de biais.
« Il n’est pas interdit d’imaginer pour l’interprétation du monde d’autres déchiffrements, d’autres ordonnancements que ceux auxquels nous avions fait jusqu’à maintenant pleine confiance »
Lettre aux visiteurs de l’expo de ses travaux au Havre, 1976
« J’aspire à un art qui soit directement branché sur notre vie courante, un art qui prenne départ dans cette vie courante, qui soit de notre vraie vie et de nos vraies humeurs une émanation immédiate »
Positions anti-culturelles, 1951, Prospectus et tous écrits suivants, Editions Gallimard
« Du reste peut-on légitimement parler d’un art des primitifs? On range là toutes les espèces d’art bien disparates. Somme toute, on y range tout ce qui n’est pas hellénistique. C’est bien arbitraire »
Positions anti-culturelles, 1951, Prospectus et tous écrits suivants, Editions Gallimard
« Il faut plutôt regarder les choses beaucoup de fois. Et en changeant à chaque fois d’angle, pas deux fois sous le même angle. Les aborder une fois en dessus, une fois en dessous, une fois de biais – surtout de biais »
Jean Dubuffet, Causettes, 1947
« Une maison est un être – autant qu’un homme ou un arbre – une fenêtre est un être, une vague de la mer est un être comme vous et moi. Un rideau aussi bien sûr. Un fleuve est un être. Une montagne est un être »
Lettre à André Breton, 19 juillet 1948
« Se nourrir des inscriptions, des tracés instinctifs. Respecter les impulsions, les spontanéités ancestrales de la main humaine quand elle trace ses signes »
Notes pour les fins lettrés, 1946
« La topographie de la pensée et la langue qui l’exprime sont une seule et même chose. Changer la langue, la pensée suivra! »
Bâtons rompus, 1983
Le saviez-vous?
« Dubuffet réalise trois voyages dans le grand sud saharien en 1947, 1948 et 1949. Sa motivation première consiste à se purger d’une culture qu’il juge oppressante et néfaste à son travail de création. La minéralité du paysage répond à son intérêt pour les matériaux bruts. Le mode de vie des locaux qu’il côtoie semble satisfaire sa volonté d’isolement.
Sur place, le peintre apprend l’arabe et des dialectes touaregs. Il s’intéresse à la musique locale et réalise de nombreux dessins. En place du désert de culture qu’il espérait découvrir, il rencontre une culture du désert. »
Extrait de l’exposition « Jean Dubuffet, un barbare en Europe » présentée au Mucem l’an dernier.
E.O