Que voir à Marrakech en cette fin d’année ?

Armand Boua, Les dindin-man, 2023, technique mixte sur toile, 230 x 334 cm. Courtesy de l’artiste et Fondation Montresso

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Destination touristique par excellence, Marrakech s’anime et les acteurs culturels se mettent au diapason avant la nouvelle année. Petit tour (non exhaustif) des expositions à voir. 

Armand Boua, Les dindin-man, 2023, technique mixte sur toile, 230 x 334 cm. Courtesy de l’artiste et Fondation Montresso

Armand Boua à la Fondation Montresso

Pour sa première exposition personnelle à la Fondation Montresso, l’artiste ivoirien Armand Boua rend visibles les invisibles de l’art. Sur des morceaux de carton ou des toiles de jute recyclées, le peintre recrée la silhouette des enfants des rues d’Abidjan, donnant à voir ce que les regards quotidiens souvent méprisent. Tout en recourant à des matériaux eux aussi recyclés comme la terre ou le goudron, le peintre malmène aussi son support, le grattant ou le lacérant, rendant visible la trame cachée dont la matière est constituée. C’est brut et tendre à la fois, dépersonnalisé et d’une humanité désarmante. Les visages sont invisibilisés, mais les gestes de survie, de solidarité ou d’errance magnifiés.

Armand Boua, « Les Invisibles », Espace d’art de la Fondation Montresso, Marrakech, jusqu’au 20 janvier 2024
Mariem Abutaleb, Lettering Patterns, 2023, œuvre digitale, 60 x 85 cm. Courtesy de l’artiste et L’Blassa Art Space

L’art de l’estampe à L’Blassa Art Space

Réunissant dix-sept artistes d’Afrique du Nord, du Golfe et du Levant, l’exposition « Yasalam » présente une interprétation contemporaine de la tradition de l’estampe et de ses médiums multiples. Mêlant des procédés classiques tels la sérigraphie et le mokuhanga japonais à l’impression digitale, l’œuvre d’Ali Almasri est à l’image de cette confluence entre passé et présent. L’intégration de la calligraphie y devient un marqueur d’identité qu’on retrouve chez Mariem Abutaleb, renvoyant à la place centrale que les œuvres réservent aux patrimoine et héritage culturels. Quant aux impressions photographiques, l’être y détient souvent une place ambiguë, parfois effacé ou absent, parfois au centre, soulignant la fragilité de sa relation à l’environnement urbain et naturel.

« Yasalam », L’Blassa Art Space, Marrakech, jusqu’au 21 janvier 2024

L’art autodidacte de Fatna Gbouri

Fin novembre, le Musée des confluences – Dar El Bacha a rouvert ses portes au public après d’importants travaux de consolidation à la suite du séisme. Deux expositions célèbrent ce retour. L’une, à caractère ethnographique, est consacrée au travail du bois. La seconde nous fait redécouvrir l’univers foisonnant de Fatna Gbouri, grande figure de l’art autodidacte féminin aux côtés de Fatima Hassan El Farrouj ou de Chaïbia Tallal. On se délecte d’avance de revoir ces représentations minutieuses des traditions marocaines, mariages, scènes de marché… On observe l’évolution de la palette tout au long de sa carrière, de couleurs patinées, un peu éteintes à ses débuts, à des tons plus vifs puis pastel dans les œuvres de maturité.

« L’univers de Fatna Gbouri », Musée des confluences – Dar El Bacha, Marrakech

 « Souvenances », une réflexion sur la mémoire des lieux

L’exposition « Souvenances » invite dix-huit artistes internationaux à explorer la mémoire d’une ancienne caserne militaire datant du protectorat, un bâtiment qui a été restitué par l’Institut français de Marrakech au lycée Victor-Hugo. Familiers des fresques murales monumentales et résidents fidèles de la Fondation Montresso – qui organise l’événement en collaboration avec le programme Majaz et l’Institut français –, Kouka Ntadi et Hendrik Beikirch réalisent des œuvres extérieures impressionnantes mais plutôt attendues. Plus étonnant, le travail de la photographe Mouna Saboni, qui n’hésite pas à graver ses propres textes sur les murs intérieurs de l’établissement, jouit d’une grande liberté dans sa capacité à mélanger installation et médium photographique. Sans doute les pièces les plus marquantes sont-elles celles qui réussissent à habiter l’espace tout en rendant hommage à la mémoire des lieux. Ainsi d’Amina Azreg qui transpose son univers, toujours à la lisière du fantastique, dans l’ancienne infirmerie du bâtiment, de Hasnae El Ouarga qui compose une vaste installation encyclopédique à partir des ouvrages de l’ancienne bibliothèque, ou de Roxane Daumas qui fait surgir de la pénombre le souvenir des anciens élèves ou des militaires ayant hanté les lieux. Un petit air spectral qu’on aime beaucoup ! Olivier Rachet

Mais aussi :

Sara Ouhaddou au Comptoir des Mines Galerie à partir du 28 décembre (lire notre portrait) ////  Mohammed Mourabiti, « L’art et la verticalité », au Complexe administratif & culturel Mohammed VI de Marrakech //// Abdelkébir Rabi’, « États d’ombre », Khalid Fine Arts Gallery, du 29 décembre 2023 au 2 février 2024 //// Alia Ali, « Horizon Rising », Galerie Siniya 28, du 28 décembre 2023 au 28 février 2024 //// Exposition collective « Back to Nature », Galerie Tindouf jusqu’au 11 février 2024 //// « Femme d’interieurs » scénarisée par Amina Benbouchta , Musée MACMA, à partir du 15 décembre 2023 //// Cedrix Crespel, « Intimes convictions », Galerie des Résidents, Fondation Montresso, jusqu’au 27 janvier 2024 //// Nour Eddine El Ghoumari, « Road to Egypt », Art First Gallery au Riad Charai, jusqu’au 31 janvier 2024.