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[Art & botanique] Episode #3 La poésie de la germination

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Troisième et dernière partie de notre dossier sur l’art et la botanique : La flore, serait-elle une fabrique de la pensée sur les origines et le cosmos dont l’artiste serait le démiurge absolu

Et si aux désordres du monde, était opposée cette poésie que nous inspire la nature ? De sa longue méditation dans sa « Ghorfa », l’espace de recueillement sous l’escalier de la maison familiale, YOUNÈS RAHMOUN a développé un ensemble d’œuvres – Habba (2008), Zahra (2009), Khasla (2009), Jidhr (2008), Chatla (2008) – empreintes de la poétique de la germination, de l’éclosion et de la vie. Le film d’animation Habba (« graine », en arabe) en est l’une des plus emblématiques. En une succession d’images finement esquissées au crayon, la graine de Younès Rahmoun effectue son cycle de vie sur la musique énigmatique et entêtante d’Esteban Algora. « L’oeuvre de Rahmoun, écrivait-on précédemment dans Diptyk, est une réconciliation de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, de l’atome et du cosmos : tout l’univers dans une graine ». Une tentative de toucher à l’universalité et au principe de vie qui régit le monde.

En créant des chimères végétales, des artistes comme Hicham Berrada, YAMOU, Miguel Chevalier ou Céleste Boursier-Mougenot élargissent le spectre du visible et décalent le regard pour mieux susciter curiosité et redécouverte de la magie mystérieuse du vivant. Suivant cette logique de dévoilement, l’artiste marocain HICHAM BERRADA active des molécules instables dans un bécher (Présage, 2007-2013) : des formes organiques apparaissent, se déploient pour créer une flore improbable et poétique.

Younès Rahmoun, Habba (Graine), 2008, vidéo, 7’

MIGUEL CHEVALIER use du numérique pour réconcilier ce que tout semble a priori opposer : nature et technologie. Dans les séries Sur-Natures (2004), Fractal Flowers (2008) ou Trans-Natures (2012), d’immenses fleurs digitales germent, poussent et meurent en un ballet végétal généré par des algorithmes. Des capteurs de présence créent des interactions: ces plantes imaginaires s’inclinent à chaque mouvement du spectateur. Le trouble s’installe : les jardins virtuels de Miguel Chevalier imitent le vivant pour devenir quasi palpables, presque réels. Enfin, lorsque CÉLESTE BOURSIER- MOUGENOT propose à la biennale de Venise 2015 une vision onirique d’arbres monumentaux déambulants (projet Rêvolutions), l’artiste donne à voir les processus invisibles à l’œuvre dans la nature : les fluctuations de la sève dans l’organisme de l’arbre commandent un mécanisme – élaboré avec des chercheurs du CNRS – qui offre tout à coup des capacités motrices à la matière végétale.

Céleste Boursier-Mougenot, Rêvolutions pour le pavillon français à la 56e Biennale de Venise 2015

La main de l’artiste s’immisce dans la mécanique de la nature, qu’elle vient troubler et en même temps révéler, pour recréer l’enchantement et rappeler à l’Homme son appartenance à l’environnement. Tour à tour objet apprécié pour sa valeur ornementale, puis détourné, politisé, rendu arme de réappropriation ou de réenchantement, il est à parier que le monde végétal n’en finira jamais d’inspirer les artistes. Et pour répondre à la question de Camille Henrot, « est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ? » : à celui qui aime les fleurs, rien d’impossible.

 

Emmanuelle Outtier

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