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Au MACAAL, une expo pour en finir avec la catastrophe

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Le MACAAL invite la curatrice Marie-Ann Yemsi à concevoir une exposition resserrée mais ouverte sur le monde. «Have you seen a horizon lately ?» s’annonce comme l’un des temps forts de la saison. Preview pendant 1-54 Marrakech, le 22 février. 

Le choix de confier à Marie-Ann Yemsi les rênes de cette exposition collective relève d’un vrai parti pris. Othman Lazraq, président du MACAAL et directeur de la Fondation Alliances, loue « l’œil critique qui est le sien » et dont on a pu mesurer à plusieurs reprises la portée, notamment en 2018 au Palais de Tokyo, avec l’exposition « A Silent Line, Lives Here » de Bronwyn Katz. La nouvelle exposition du MACAAL affiche d’entrée de jeu son ambition de dépasser les frontières du continent. Pour la curatrice, il s’agit aussi de « ne pas s’enfermer dans l’appellation du musée » mais de prendre conscience des enjeux forcément déterritorialisés du monde contemporain. Quand le local ne peut faire abstraction du global. Le titre de l’exposition, qui fait référence à une œuvre de Yoko Ono présentée pour l’occasion, Have you seen a horizon lately?, est un hommage à l’artiste connue pour ses engagements en faveur de la paix et des droits des femmes. Titre qui se réfère surtout à l’une de ses chansons datant de 1973 et à sa première exposition solo présentée en 1997 au musée Modern Art Oxford.

Yoko Ono, Have you seen a horizon lately?, 1967/2019, vue de l’installation «The Reflections Project» organisée par le Lower Manhattan Cultural Council, New York, photographe: Isabel Asha Penzlien © Yoko Ono

Douze artistes seulement – dont la Marocaine Amina Benbouchta – se retrouvent aujourd’hui au MACAAL, en provenance d’horizons divers et de tous les continents : Amérique du Sud avec le Brésilien Maxwell Alexandre, d’Afrique avec la photographe nigériane Rahima Gombo, d’Asie avec le plasticien japonais Akira Ikezoe ou d’Europe avec l’artiste suisse Sandrine Pelletier ou encore la Française Gaëlle Choisne. Artistes pour lesquels la question de la déterritorialisation se pose avec acuité, car « on peut naître en Angola et vivre à Lisbonne », comme le souligne Marie-Ann Yemsi à propos de Kiluanji Kia Henda. Ou naître au Canada et vivre en France, comme Kapwani Kiwanga, dont la famille est originaire de Tanzanie.

Pour la curatrice, qui appelle de ses vœux une véritable « écologie de l’exposition » dans laquelle les œuvres tisseraient des liens les unes avec les autres, « le temps où les institutions se contentaient d’accrocher des œuvres au mur est révolu ». Il s’agit d’en finir avec « une vision catastrophiste de fin du monde » pour aborder de façon plus généreuse et créative les questions posées par une « écologie politique du vivant ». De la répartition insolente des richesses aux transformations architecturales de nos villes, en passant par les différentes formes d’oppression et de colonisations de terres usurpées, tout l’enjeu sera de penser comment bâtir le monde de demain. « Le point de vue des artistes m’intéresse, plaide la curatrice, en ce qu’ils ont une capacité de naviguer entre l’idée et la forme », susceptible de faciliter une prise de conscience chez le spectateur.

Amina Benbouchta, Éternel retour du désir amoureux, 2019, installation, bois, néons, objets divers, son, dimensions variables Courtesy de l’artiste

Plusieurs résidences de production donneront ainsi à voir des projets novateurs et pour beaucoup spectaculaires. À l’image de la sculpture-installation aquatique à laquelle travaille le Colombien Daniel Otero Torres, faisant suite à un programme de recherche mené en Colombie autour de savoir-faire ancestraux liés à la dépollution de l’eau. Située dans la nef centrale du MACAAL, l’œuvre de sept mètres de haut intitulée Lluvia sera, sans nul doute, l’un des temps forts de la manifestation. 

Pour la scénographie, la curatrice a fait appel à Franck Houndegla, dont la mission sera d’insuffler de la fluidité dans un parcours d’exposition qui se veut résolument ouvert. « Je travaille toujours sur le principe de l’expansion », commente Marie-Ann Yemsi, qui cherche avant tout à donner « une vision polyphonique et polysémique » des œuvres, choisies aussi pour leur potentiel réflexif. Ne doutons pas que les questions d’architecture et d’archéologie urbaine qui traversent les travaux de l’artiste colombien Felipe Arturo entreront en résonance avec l’installation vidéo de Kiluanji Kia Henda. De même que la question d’un engagement au féminin permettra de tisser des liens inattendus entre l’installation d’Amina Benbouchta, Éternel retour du désir amoureux, que le public avait pu découvrir lors de la Biennale de Rabat, et le projet déambulatoire de Rahima Gambo ayant parcouru les ruelles de Marrakech en quête de nouveautés. Une exposition résolument tournée vers de nouvelles formes narratives pour raconter le monde et faire émerger d’inédites possibilités de vivre. L’éternel retour de l’utopie, peut-être ?

Olivier Rachet 

«Have you seen a horizon lately?», Musée d’art contemporain africain Al Maaden, Marrakech, du 25 février au 19 juillet 2020.

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