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« Belkahia était un activiste de l’art »

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Mohamed El baz inaugure un cycle d’expositions-hommages à l’invitation de la Fondation Farid Belkahia. Il présente à cette occasion quatre créations inédites qui dialoguent avec les œuvres du maître des lieux et interrogent l’héritage de cet artiste phare de la modernité.

 

Olivier Rachet

 

 

Que représente pour vous la figure de Farid Belkahia ? 

Farid Belkahia, que j’ai très peu connu, était un activiste de l’art. Que l’on pense à cette exposition historique sur la place Jamaâ el Fna, organisée alors dans une perspective politique et idéologique qui n’a plus cours aujourd’hui, à mon grand regret d’ailleurs ! Je voulais poser la question de ce qu’il a laissé aux nouvelles générations, à travers l’une des pièces de l’exposition dans laquelle on entendra des voix d’enfants enregistrées. 

 

À ce propos, quelles œuvres présenterez-vous ? 

Avec Rajae Benchemsi et Brahim Alaoui (Rajae Benchamsi est Fondatrice et Présidente de la Fondation Belkahia et Brahim Alaoui est membre actif de de la Fondation et co-commissaire des expositions avec Rajae Benchamsi, ndlr), nous avons réfléchi à un parcours possible dans ce lieu (ancien ate- lier de Farid Belkahia aujourd’hui converti en musée, ndlr) qui est incroyable. Quand Belkahia a acheté cette maison, il a fait construire une sorte de tumulus, sur lequel je vais déposer un arbre en métal très lumineux. La deuxième pièce qui sera exposée, dans le kiosque, s’inspire librement de La classe morte de Tadeusz Kantor. On y entendra des voix d’enfants, que je vais aller enregistrer, avec M’barek Bou- hchichi, à Tahanaout. Les murs du kiosque seront, quant à eux, recouverts de photos de ciel bleu. À l’intérieur du musée, se trouveront deux autres pièces : une grande carte du Maroc déposée au sol, découpée en différentes provinces, sur laquelle seront plantés des couteaux de boucher, et un portrait de Belkahia pris par Fouad Maazouz où je ferai apparaître une flamme. 

 

Est-ce à dire que l’héritage de Belkahia est à venir, comme semblent l’indiquer ces voix d’enfants que l’on entendra ?

Exactement. C’est la question que je pose. Cette exposition constitue une sorte d’hommage, mais c’est aussi un ques- tionnement terrible. Belkahia nous dit de ne pas avoir honte de ce que nous sommes. Oui, c’est du henné. Oui, c’est du cuir. Ce sont nos traditions. Cette position l’a peut-être rin- gardisé pendant un certain temps mais, personnellement, j’aime cette position décomplexée dans laquelle je me retrouve. Son questionnement est toujours actuel. 

 

Comment envisagez-vous cette rencontre entre Belkahia et vous : sous le signe du dialogue ou de la confrontation ?

Je me suis posé la question de ma légitimité. C’est moins un hommage qu’une adresse directe, presque mystique, que je lui fais. Je suis chez lui, parmi ses œuvres. Dans les quelques échanges que l’on a pu avoir, on parlait de la même chose. Lui avait choisi une mise en forme qui ne me concerne pas trop, mais ce qui est évoqué est très proche. Pourquoi sommes-nous partis, pourquoi sommes-nous revenus ? Quel est ce voyage quasi philosophique que l’on a accompli tous les deux ? 

 

Vous semblez avoir été marqué par cette exposition-mani- feste de la place Jamaâ el Fna à laquelle Belkahia avait par- ticipé. Votre pratique artistique vous semble-t-elle évoluer dans le sens d’un plus grand interventionnisme ? 

Je ne suis pas un activiste. Hassan Darsi, Mohamed Fariji, eux, le sont. Je suis dans une pratique solitaire, presque célibataire. Je dis souvent que je cherche des œuvres qui se vivent plus qu’elles ne se voient. J’adore les galeries, les musées, mais j’ai surtout envie de proposer des situations au public, avec tout l’étonnement ou le rejet que cela peut susciter. Si on ne crée pas des situations, rien ne bougera. Mes amis m’ont traité de fou récemment, lorsque je leur ai parlé de mon projet de faire venir 20 pianos à queue sur la place Jamaâ el Fna, pendant le festival du film de Mar- rakech. On aurait entendu un pianiste israélien et une chan- teuse chaâbi. Faire se rencontrer le peuple et les élites, c’est vraiment tout le défi de ce pays. 

 

 

Mohamed El baz, Fondation Farid Belkahia, Marrakech, du 20 octobre au 17 novembre 2018.

 

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